Le transporteur ferroviaire était déjà, bien sûr, engagé dans le développement durable, mais cette fois, il passe à la vitesse supérieure, s’engage plus et se fixe des objectifs. Dans tous ses domaines de compétences : la maintenance du réseau, le matériel et les gares.
La SNCF veut prendre un train d’avance en matière de développement durable : elle annonce qu’elle atteindra la neutralité carbone à l’horizon 2035, soit 15 ans avant le calendrier national et européen qui prévoit le zéro émission en 2050. Selon Sophie Chambon-Diallo, la nouvelle directrice du Développement durable, différentes actions, pour certaines engagées depuis plusieurs années, doivent y conduire. « Ce qui change aujourd’hui, c’est que nous allons systématiser notre démarche, avoir une approche industrielle », a expliqué l’ancienne directrice SE du groupe Atos, le 25 juin, au cours d’une présentation de la politique de la SNCF dans ce domaine.
Valorisation des trains…
– Le train est responsable de 2,6 % des émissions de CO2 du secteur des transports.
– 80 % des trains sont électriques mais la moitié des TER sont encore équipés de traction thermique.
– Un train hybride permet de baisser de 20 % la consommation d’énergie et d’émissions polluantes.
– 55 000 t de matières sont recyclées chaque année : acier, cuivre, aluminium, inox, verre.
… et des infrastructures
– 3 millions de tonnes de matériaux sont démantelées chaque année (dont 81 % de ballast, 11 % de rails, 8 % de traverses).
– En 2018, la valorisation a porté sur :
700 000 t de ballast, dont 90 % ont été réemployés par la SNCF ;
150 000 t de rails (acier), dont 15 % ont été réemployés, 85 % recyclés ;
2 500 t de cuivre des caténaires et 360 000 t de traverses en béton et bois.
SNCF Réseau dispose d’un stock de matériaux réutilisables de plus de 1 300 millions de tonnes qui vont être progressivement recyclés, réemployés ou revendus.
Baisse de la consommation énergétique
Côté matériels roulants, le groupe veut à la fois baisser sa consommation énergétique (ce sera le cas par exemple avec le futur TGV 2020 conçu pour consommer 20 % en moins d’énergie) et développer l’utilisation de nouvelles formes d’énergie. L’objectif est de sortir du diesel en 2035.
Un train hybride sera ainsi testé en 2020 avec Alstom, puis mis en service en 2021. Un partenariat est mis en place avec les régions Centre-Val de Loire, Grand Est, Nouvelle- Aquitaine et Occitanie. L’expérimentation du train à hydrogène devrait aussi débuter en 2022, en Occitanie. Cinq régions pourraient commander une quinzaine de rames dès cette année.
« Nous avons aussi décidé d’utiliser un agrocarburant, le colza, car il est produit en France, fait vivre 75 000 agriculteurs et n’émet ni particules ni CO2. Nous devrions voir circuler ces trains fonctionnant au colza dans les trois à cinq prochaines années », annonce Sophie Chambon-Diallo.
Dans le même temps, la SNCF veut devenir productrice d’énergie à partir de l’installation de panneaux photovoltaïques sur ses gares et ses sites de maintenance. Ce principe avait déjà été annoncé il y a plusieurs années, « mais désormais nous changeons d’échelle », assure la directrice du Développement durable. Le technicentre d’Hellemmes dans les Hautsde- France fonctionnera à 85 % en autoconsommation à partir du second semestre et celui de Romilly-sur-Seine dans le Grand Est atteindra les 100 % à la fin de l’année. « Sept usines vont être construites et intégrer cette dimension en amont, dès leur conception. Ce sera aussi le cas pour toute nouvelle gare », souligne Sophie Chambon-Diallo. À Paris, la halle de la gare Saint-Lazare pourrait devenir une source de production solaire pour alimenter la gare. Une étude de faisabilité doit le confirmer.
La SNCF s’engage sur le long terme avec un producteur d’énergie renouvelable
SNCF Énergie, filiale à 100 % de SNCF Mobilités, a signé avec le producteur d’électricité renouvelable Voltalia un contrat pour lui acheter directement 143 mégawatts sur 25 ans. Ce contrat d’achat direct sur le long terme entre un producteur d’énergie renouvelable et un consommateur, appelé Corporate Power Purchasing Agreement, est le premier de cette ampleur signé entre un producteur renouvelable et un grand consommateur en France. Cet engagement de SNCF Énergie va permettre à Voltalia de construire les trois centrales solaires nécessaires à la production de cette électricité. SNCF Mobilités indique dans un communiqué que les 143 mégawatts de ce contrat « représentent entre 3 et 4 % de la consommation d’électricité nécessaire à la circulation des trains de SNCF Mobilités à horizon 2022-2023 ». La SNCF a « pour ambition d’atteindre 40 à 50 % d’énergies renouvelables dans son mix de consommation d’électricité de traction des trains à l’horizon 2025 », précise encore le groupe qui annonce également être engagé dans des négociations avec divers producteurs d’énergies renouvelables afin de signer six à sept fois le volume de ce premier contrat au cours des deux ou trois années à venir.
Zéro déchet
Autre axe de conduite : l’économie circulaire pour parvenir au zéro déchet en 2035. Pour traiter de façon industrielle le matériel roulant radié, huit nouveaux centres seront créés pour traiter plus de 1 000 caisses par an et alimenter les filières de recyclage.
Dans le cadre des travaux de renouvellement des infrastructures, il est possible de recycler 150 000 t de rail chaque année, soit en les réutilisant sur les petites lignes, soit en les revendant dans le bâtiment par exemple car elles peuvent devenir des poutres et servir d’IPN. De même, actuellement 40 % du ballast est réinjecté dans les voies lors des opérations de rénovation. La SNCF vise désormais le 100 %. Une opération d’autant plus intéressante qu’elle génère des recettes : les reventes de matériaux ont rapporté 45 millions d’euros l’année dernière.
Dans les gares aussi, la SNCF vise le zéro plastique en 2035. Des expérimentations sont lancées pour tester de nouveaux modèles de gestion des déchets issus des gares et des trains, annonce la société nationale.
Pour atteindre ses objectifs, la SNCF s’attend à une diminution globale de ses émissions de gaz à effet de serre et de particules de 5 à 6 % par an. À chaque fois, ses indicateurs seront soumis à des commissaires aux comptes pour vérifier, activité par activité, que les engagements sont bien tenus. Une exigence qui doit s’imposer aux managers au même titre que les objectifs de résultats, affirme Stéphane Volant, le secrétaire général du groupe. En espérant, ajoute-t-il, que demain, dans les appels d’offres, le bilan carbone affiché par chaque candidat représente un critère de choix majeur aux yeux des autorités organisatrices qui choisiront les exploitants de transports.