Aux Championnats du monde d’athlétisme à Doha au Qatar, le cheminot Quentin Bigot a gagné la médaille d’argent au lancer de marteau. Une performance qui permet au jeune athlète de 26 ans, revenu au plus haut niveau, de se préparer avec sérénité pour les JO de Tokyo.
Un Français vice-champion du monde d’athlétisme ! C’est une performance inédite et historique qu’a accomplie le jeune cheminot Quentin Bigot, 26 ans, en remportant la médaille d’argent au lancer de marteau le 2 octobre aux Mondiaux d’athlétisme de Doha au Qatar. Le lanceur mosellan, par ailleurs conducteur de trains de fret sur la ligne Luxembourg – Vitry-le- François chez VFLI, filiale de la SNCF, a réussi 78,19 m à son quatrième essai, s’offrant la deuxième place sur le podium pour un centimètre, devant le Hongrois Bence Halasz (78,18 m), troisième, et derrière le Polonais Pawel Fajdek (80,51 m), désormais quadruple champion du monde. Quentin Bigot a surtout décroché la première des deux seules médailles gagnées par les Bleus à Doha (avec Pascal Martinot- Lagarde, médaille de bronze aux 110 m haies). Le Français, natif d’Hayange, licencié à l’Athlétisme Metz Métropole (A2M), signe là la plus grande performance de sa carrière, lui qui est revenu au plus haut niveau après une suspension de deux ans pour dopage, entre 2014 et 2016. Athlète talentueux chez les jeunes (champion d’Europe juniors en 2011, médaillé de bronze à l’Euro espoirs 2013), Quentin Bigot avait été contrôlé positif à deux substances interdites, des stéroïdes (metandienone et stanozolol) en juin 2014. Une histoire simple, celle d’un espoir tricolore faisant confiance à son coach. À l’époque, il voulait guérir au plus vite d’une blessure aux ischio-jambiers. Il s’est fait prendre par la patrouille, a payé, pris cher. A adressé une lettre d’excuse à chaque membre de l’équipe de France. Il n’osait plus les regarder en face. Aujourd’hui, ses partenaires le voient comme un « gars normal et pas étiqueté ». Il aimerait aussi qu’on fasse plus souvent appel à ses services en matière de lutte contre le dopage, car il ressent un besoin viscéral de témoigner. « Pourtant, il me coûte de remuer ce passé, mais dès qu’on me le demande, je fais un effort pour l’évoquer », a-t-il déclaré au journal L’Équipe. À Doha, il a expliqué les choses calmement : « J’essaie de faire beaucoup de choses pour expliquer aux jeunes l’importance d’être un athlète propre. » Il aimerait que sa voix porte davantage dans la prévention du dopage. Mais on ne l’écoute pas. Peut-être que cela va changer maintenant qu’il est vice-champion du monde ?
Rédemption
Entraîné depuis 2015 par Pierre- Jean Vazel, Quentin Bigot (1,77 m, 90 kg) a patiemment construit sa deuxième carrière. Au Qatar, il a réussi son meilleur jet depuis son retour de suspension (son record, 78,58 m, datant du 8 mars 2014). Son coach s’est félicité de la performance de son protégé. « Quand j’ai récupéré Quentin en 2015, il ne savait pas combien il allait pouvoir relancer après sa suspension pour dopage. Moi, je savais qu’il pouvait faire mieux.[…] Il a terminé 4e des Mondiaux en 2017 à Londres. C’est très bien que ce soit lui qui gagne la première médaille française à Doha. Il est allé la chercher. Les médailles, on ne les mérite pas, on va les chercher. Lui, il l’a fait avec passion, il veut proposer du beau marteau. Avant la chambre d’appel, je lui ai demandé ça, du beau marteau », raconte le coach à L’Équipe. « J’avoue que je ne réalise pas forcément ce qui vient de se passer, ça viendra plus tard avec le debrief en compagnie de mes coaches », expliquait Quentin Bigot au journal Ouest-France quelques minutes après sa performance. « J’ai l’impression d’être encore dans mon concours et que je vis un rêve. Réveillez-moi ! Il y a pile 10 ans, j’étais venu ici aux Championnats du monde UNSS (Union nationale du sport scolaire), et j’avais pris déjà la deuxième place. Mais cette fois, c’est vice-champion du monde seniors, avec ma meilleure performance de l’année (78,19 m). J’ai compris que je serais quoi qu’il arrive sur le podium avant que le Hongrois Halasz ne lance. Toute la tension est retombée tout d’un coup. » Cette médaille récompense le travail d’un passionné, un travail ultra- rigoureux, quasi monacal, « mais aussi l’investissement des gens à mes côtés, mes coaches, ma famille, mon employeur, mes partenaires. Ils ont tous leur part dans cette médaille. Ma quatrième place aux Mondiaux 2017 n’était pas un hasard, pas du tout, et maintenant que j’ai croqué à une médaille, que j’ai débloqué le compteur des Bleus, j’ai envie d’encore plus croquer… Je vais répéter ce que Gilles Dupray, spécialiste du lancer de marteau, a dit un jour : “Quand on a croqué la médaille un jour, elle a le goût du sang et on est comme un vampire, on a envie d’avoir encore plus de sang.” J’espère maintenant pouvoir préparer sereinement les Jeux de Tokyo. Mais je suis un gars calme et je saurai dire non à plein de choses. » La tête dans les nuages, mais les pieds sur terre…
Prochain objectif : Tokyo 2020
De retour en France le 5 octobre, en gare de Metz, il a eu droit à un accueil triomphal et chaleureux à sa descente de TGV en provenance de Paris. Sur le quai, proches et amis l’ont embrassé, félicité, applaudi… Un peu plus loin, dans le hall de la gare, c’est une deuxième standing-ovation tout aussi chaleureuse mais encore plus impressionnante qui l’attendait. Une centaine de supporters, de membres de son club, et de représentants de VFLI lui ont crié leur admiration et leur gratitude. Depuis, Quentin Bigot a repris le travail, conduit de nouveau son train, retrouvé ses collègues. « Ça peut paraître fou mais, même avec une médaille mondiale, je ne peux pas me permettre d’arrêter de travailler », a-t-il déclaré au Parisien. Ce qui est certain, c’est que cette médaille d’argent lui ouvre des perspectives, d’autant qu’il a fait 78 m « en tapant dans la cage, ça veut dire que je ne termine pas mon geste. Ça montre que j’en ai encore sous les pieds. Aux JO de Tokyo, ce sera le même type de concours. Mais ne croyez pas que je me crois arrivé. Je l’ai fait, je sais que c’est possible, quelque chose s’est débloqué en moi. » Vivement Tokyo !
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