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  • (c) Le Bastard

    Nettoyage de la boîte à fumée de la 141 R920 au dépôt de Bordeaux.

  • © Ph. J.L. Poggi

    La 141 R 1123 à Rapsani (Grèce) au sortir des gorges du Pinios, sur la ligne Larissa- Thessaloniki.

  • © Ph. Le Bastard

    La 141 R 1191 sur le dernier Marseille - Bordeaux le 24 avril 1971 (fin de la vapeur Bordeaux - Montauban).

  • (c) : J.-L. Poggi

    La 141 R·607 de Nevers à la Longeville sur la ligne de Pontarlier à Gilley, lors du tournage du film : " Le Crime de l'Orient · Express», · en février 1974.

  • (c). J.-M. Hartman,)

    2 janvier 1970-en gare de Perrignier, départ d'un train pour · Annemasse en provenance· d'Evian.

Il était une fois dans la Vie du Rail – 36) La fin des 141 R

5 octobre 2018
- -
Par : Bernard Collardey

Une nouvelle section animée par vous et pour vous, elle va nous permettre de revisiter l’histoire cheminote. Celle d’il y a 10, 20, 30, 40 ans…

Profitez de nos archives en nous signalant ce que vous souhaitez relire et redécouvrir. Retrouvez les nouveaux matériels, les grands travaux, les événements qui ont marqué la SNCF… Une plongée dans l’aventure du rail.

Faites-nous savoir vos envies dès à présent en nous écrivant au 29, rue de Clichy, 75009 Paris ou par mail à : margaux.maynard@laviedurail.com ou en commentant cet article.

 

 

36) Il y a 43 ans. La fin des 141 R

Dans cette seconde partie de notre dossier consacré aux 141 R, nous racontons leur évolution… jusqu’à leur année fatale, 1974.

1961-1962 Des années cruelles…

En 1961, Caen passe les R 985,994 et 1285 à Boulogne pour les affecter en prioritaires à la traction des trains autos-couchettes GL/LG et FL/LF sur les trajets Boulogne – Amiens et Calais – Lille, car la nature de l’échappement des R évite toute projection d’escarbilles risquant de souiller les carrosseries des automobiles trans portées. Le 25 000 volts atteint Châlons puis Château-Thierry et alimente la courte fraction de ligne 10 Blesme – Saint-Dizier. Metz-Frescaty, Châlons et Vaires baissent pavillon, suivis dans le courant de l’été par Creil et Tergnier, à leur tour, sous contrôle monophasé. 1962 sera sans aucun doute, la première année vraiment néfaste pour les 141 R. Les mises sous tension se multiplient intéressant des lignes comptant parmi les plus importantes du réseau national : Paris-Est – Château-Thierry, Épernay – Reims, Tergnier – Aulnoye, Béthune – Dunkerque et Miramas – Marseille. Les mesures de re classement décidées ne suffisent pas pour absorber intégralement tous les effectifs mis à pied sur l’Est, à Vaires, Châlons et Reims et au Nord, à Tergnier et Aulnoye. Les points de remisage d’Amagne et Hirson vont alors accueillir une cinquantaine de machines mises en garage prolongé, voire en réparation différée, certaines avec mesures conservatoires (RD + MC).

L’hégémonie de la RM n’a désormais plus de raison d’être. Après avoir été renflouée continuellement depuis 1952 par le Sud-Est, elle expédie au départ d’Avignon et Nîmes, plusieurs 800/900 au Mans, à Nantes, des 1100 à Saint- Brieuc et quelques 1000 et 1200 à Grenoble et Annemasse. Les parcs notoirement pléthoriques de l’Est et du Nord alimentent, de leur côté, copieusement le Sud-Est, toujours preneur notamment les dépôts de Dole et Nevers, ce dernier préparant la relève des Pacific sur le Bourbonnais.

1963-1967 La coalition « électrique-themique »

Au 1er janvier 1963, douze machines sont déjà rayées de l’inventaire et une cinquantaine d’autres sont hors d’état de servir, ayant été placées en réparation différée. Le Sud-Est gère maintenant le plus grand nombre de locomotives, devant la RM en décroissance rapide, et l’Ouest. Une partie de celles de l’Est et du Nord ont disparu et cette tendance ne fait que s’affirmer au cours des prochains exercices. Avec 113 machines, Nevers est devenu le dépôt le mieux pourvu, suivi de très loin par Blancarde, 76. Le service des R a été forte ment démantelé sur l’Est et sur le Nord. Par contre, sur l’Ouest et le Sud-Ouest : non touchées par les électrifications, les ma chines consolident leurs positions. Le Sud- Est a renforcé notablement son action à Neyers, SaintÉtienne, en Franche-Comté, Savoie, Dauphiné, mais la situation de meure latente à Dijon, où le parc sert sporadiquement sur Chalindrey et la Bresse. Enfin, la RM conserve le monopole sur le littoral azuréen, la Côte vermeille, la ligne des Alpes et un service au ralenti sur la rive droite du Rhône, l’itinéraire complémentaire Cavaillon – Port-de-Bouc et au tour de Nîmes, Avignon et Miramas.

1963 débute avec le départ à Sotteville des engins d’Achères en cours de diésélisation. Avec les électrifications Aulnoye – Feignies, Valenciennes – Lourches – Busigny, Paris – Crépy, Ormoy – Verberie et l’abandon de l’itinéraire marchandises Verberie – Longueau via Montdidier, cette année sera éminemment mauvaise pour les 141 R de la région Nord. C’en est fini des résidences de Somain et du Bourget et des allées et venues sur la Grande Ceinture vers Valenton. Laon prend une bonne moitié des machines de Tergnier et s’en sert pour équiper les trains de marchandises, son étoile à cinq branches vers Soissons – Crépy, Reims, Laon, Hirson et Tergnier, ainsi que de la ligne coordonnée joignant à travers la Thiérache, Busigny à Hirson. Une nouvelle fournée de machines Nord passe à Caen, Nevers et Argentan, pour service RA-RO sur Trappes – Granville et Caen – Le Mans. À ce dépôt Ouest, où l’éclipse des 141 R a duré 13 ans, elles vont reprendre l’avantage sur les 141 P dont la venue avait provoqué leur départ sur l’Est. En 1964, les R affrontent un nouvel ennemi qui se fait complice de la traction électrique : les gros diesels des séries 67000 et 68000, dont les premiers arrivants, à Caen et Chambéry, perturbent l’activité des Mikado sur l’axe Paris – Cherbourg, la Tarentaise et les trajets Lyon – Grenoble et Valence – Chambéry. Pour éviter la pollution des quartiers environnant le dépôt et la gare de Vierzon, il est décidé de remplacer, à compter du service d’été, le parc charbon par des machines fuel du Sud- Est et de la RM. Avec les mises sous tension des sections de ligne de Lille à Hazebrouck et de Maubeuge à Jeumont, le rôle des engins de Délivrance et Aulnoye est réduit à sa plus simple expression, ce qui entraîne leur mutation au Sud – Est, ou leur mise en garage, soit en bon état, soit en réparation différée en vue d’un prochain train de réforme. En septembre, sur l’Ouest, le trajet Le Mans – Laval est confié aux BB bicourant. Sur l’Est, les Rémoises n’ont plus accès à Lumes et Givet dès décembre. En 1965, la diésélisation lourde progresse en Auvergne, où les 67000 de Clermont, bien qu’orientées sur Neussargues et les Cévennes, accomplissent des percées plus fréquentes sur le Bourbonnais, notamment en service voyageurs. De même en Dauphiné, Grenoble élimine sa dotation fuel reprise par Vénissieux. La partie engagée en Bretagne devient inégale à partir de juillet où les 68000 et 67000 s’al lient au 25 000 volts pour faire tomber les 141 R de Rennes, mutées par la suite à Auray et Saint- Brieuc. Les machines cantonnées à Dijon sont reprises par le dépôt de Dole en octobre. Sur la RM où les 141 R restent l’unique série vapeur en service, l’électrification Marseille – Les Arcs coupe du reste de la région, le dépôt de Nice dont les 1100 sont par ailleurs interdites dans le nouveau souterrain de Monte-Carlo. Le dépôt de Blancarde, jadis très actif, n’assure plus que quelques sorties marchandises sur Saint-Auban – Veynes et sur l’Estaque – Port-de-Bouc – Miramas.

Dans le cadre des regroupements d’engins, la région de l’Ouest fusionne les effectifs de La Rochelle et ceux de Nantes. Profitant de la froidure de janvier 1966, le 25 000 volts unit les triages d’Achères et Sotteville. Le danger est aux portes de la Normandie.

La mise au tas des 141 R charbon s’amplifie en cours d’année sur les quatre régions propriétaires. Pour les fuel, les retraits de service ne font que débuter mais prennent immédiatement un caractère massif, particulièrement sur la RM où les 700, 800 et 900 tombent par dizaines à la faveur de l’épuisement des parcours de levage et de la caducité des épreuves de chaudières.

La région Nord poursuit ses mutations au dépôt Ouest de Thouars où elles augmentent leur rayon d’action en allant avec des trains RO jusqu’à Niort, Angers, Saint-Pierre-des- Corps. Elle supprime également le dépôt de Longueau dont Boulogne s’approprie les machines pour circulation sur Calais -Hazebrouck, Calais – Dunkerque, Calais – Amiens, à tous les types de trains et sur la courte antenne Hesdigneul- Desvres. À la RM, où les récentes électrifications ont considérablement amenuisé les services de la vapeur, on envoie à Vierzon et Bordeaux un lot supplémentaire tandis qu’Avignon et Blancarde sont éliminés.

En 1967, les étapes d’électrification sur Paris – Le Havre, transportent le monophasé à Motteville en mars et au Havre le 5 décembre. Pendant les périodes intérimaires, le parc des R havraises étoffé avec des 1300 prend le relais des 17000 à Motteville pour le service voyageurs. À l’issue de l’opération, la vapeur disparaît des deux dépôts de Sotteville et du Havre. La progression de la diésélisation à Chambéry, ra mène au strict minimum les parcs charbon de Vénissieux et Grenoble dont plusieurs unités servent à remplacer les engins amortis du dépôt de Nevers, où sont arrivées les machines valides de Saint-Étienne supprimé. Dans le Midi, l’augmentation du nombre de 67000 et 66000 disponibles à Nîmes, entraîne non seulement le garage des R de ce dépôt, mais agit défavorablement sur le rendement de celles de Miramas.

La région Est liquidant ses dernières 141 P est contrainte au service d’été, d’allouer à Belfort une quinzaine de R prélevées sur les effectifs de Reims, Sarreguemines et Mulhouse-Nord. En novembre, sur décision gouvernementale, la SNCF est taxée d’augmenter la consommation de charbon qui encombre les carreaux des mines. Le dépôt du Mans est choisi en raison de sa position géographique au centre d’un éventail de lignes joignant Caen, Tours et Nantes. Trente-neuf R 1 à 700 provenant de Reims, Belfort, Boulogne, Laon, Dole et Vénissieux sont affectées à cet effet et connaissent un regain d’activité.

1968-1971 Et s’il n’en reste qu’une…

Dès 1968, la série des Mikado américaines n’a plus à craindre la concurrence que lui faisaient les autres catégories d’engins vapeur : les dernières 241 P, 150 P, 141 P, 141 C Ouest, 141 E/F Sud-Est, s’éteignent, jetant la consternation dans le coeur des vaporistes. La 141 R reprend, elle, partiellement ses fonctions, notamment sur l’Est, le Nord et l’Ouest. […]

Le fait d’accéder au « pou voir suprême » au royaume de la vapeur lui vaut tous les égards. Ce phénomène s’accentue pour devenir rapidement inversement proportionnel au nombre d’engins en pression. […]

L’inventaire au 1er janvier 1968 montre suffisamment la déchéance de la série. Les effectifs sont maintenant inférieurs au millier et encore doit-on défalquer du total de 907 machines (447 charbon- 460 fuel), 76 engins en réparation différée, justifiables de gros travaux d’entretien dont l’engagement n’est plus souhaitable […].

Le nombre des dépôts du R est tombé à 28. Nevers est toujours en tête du palmarès avec 116 engins sains devant Le Mans (81), Miramas (69) et Nantes (61) proche de la fin. L’exercice 1968 sera très fertile en regroupement d’engins. Cette opération à la mode a pour effet de libérer les installations des établissements devant accueillir et traiter dans le futur, les locomotives modernes.C’est tour à tour Nîmes, Grenoble, Nice, Blainville, Laon et Nantes qui se « sa bordent ». La diésélisation, se ramifiant à l’Est autour de Châlons, Nancy et Strasbourg, autorise une nouvelle diminution des effectifs 141 R de Reims, Blainville et Sarreguemines dont les engins sont envoyés à Nevers. Encours d’été, un parc d’une douzaine de locomotives est constitué à Chaumont pour apurer le compte des 141 P. Ce sera le dernier centre utilisateur de 141 R créé sur toute la SNCF.

En 1969, l’inventaire continue de fondre à grande vitesse. L’Ouest concentre ses effectifs en supprimant le dépôt de Mézidon et celui de Saint- Brieuc. Avec 108 ma chines fuel et charbon, Le Mans dessert alors un vaste territoire en compagnie d’Auray. Mais une nouvelle mesure apparaît avec la suppression des points de ravitaillement en eau et combustible, ayant pour effet de limiter le rayon d’action des machines. Sur le Nord, l’électrification Creil – Épluches – Achères, a raison du noyau de Creil. À Vierzon et Bordeaux, où elles sont évincées définitivement du service express, la casse des unités à échéance de parcours et d’épreuve hydraulique conduit à recevoir d’autres machines de la RM, dont Mi ramas à moins besoin. Partout au Sud-Est, les indices de ré traction des parcours se manifestent. […]

Au service d’été 1970, l’Ouest se débarrasse des en gins charbon d’Argentan et du Mans et concentre les machines en bon état sur l’unique dépôt de Thouars, où subsiste un service régulier. Au cours du quatrième trimestre, les trois phases de l’électrification de Mulhouse à Dole portent un coup fatal aux dépôts de Mulhouse- Nord, Belfort et Dole qui concourent à la des serte de cette importante ligne. […] Au 1er janvier 1971, il reste seulement 484 engins à l’inventaire dont 253 fuel, répartis dans 19 dépôts. L’emprise thermique ne fait que croître. La région Nord sup prime le centre de Boulogne au service d’été, et ne main tient qu’une réserve froide de 20 engins remisés à Beauvais. Le Sud-Ouest l’imite en retirant les R de Bordeaux où les 67300 sont maintenant assez nombreuses. En septembre, la vapeur disparaît d’Annemasse après l’électrification du tronçon venant de Bellegarde. Pour le début octobre, l’Ouest élimine ses trois derniers centres vapeur qu’étaient : Le Mans, Auray et Thouars. Au même moment, toute activité cesse à Chaumont et Miramas, Nevers abandonne son roulement régulier et se limite à la desserte épisodique de Moulins, Vierzon, Montchanin et Chagny.

1972-1973 Des apparitions fantomatiques

Lorsque débute l’année 1972, les deux réseaux Nord et Ouest ont déjà oublié la traction vapeur. L’Est ne dispose plus que du contingent de Sarreguemines, où une demi- douzaine de R font incidemment des navettes jusqu’à Hausbergen, Béning, Sarrebruck et montent les trains de matériel à Bitche, en double traction, lors des manoeuvres militaires. Vierzon ne dépasse plus Saint-Pierre-des-Corps et Saincaize. Les sorties des Nivernaises se font rares et n’ont plus lieu que sur la ligne d’Étang – Montchanin. Dans la région lyonnaise, le contingent 141 R de Vénissieux n’est guère actif et va de temps à autre à Grenoble en tête des convois RO. Quant à Narbonne, il est le seul et dernier dépôt à avoir connu en été, un roulement régulier portant sur quelques trains de marchandises d’une part, et des express temporaires sur Perpignan – Port- Bou d’autre part. À la faveur de l’interception des voies principales Paris – Rome à Chindrieux, entre Culoz et Aix-les- Bains, la réserve froide sert à pallier le détachement de diesels 67000 et 67300. Mais il ne s’agit là que d’un combat d’arrière-garde désormais perdu, lorsque la cavalerie d’Annemasse est éteinte à tout jamais.

Le 1er janvier 1973, l’inventaire du parc des 141 R est le suivant : 86 machines dont 42 fuel auxquelles il convient d’ajouter 236 autres en instance de réforme. Avec la suppression des réserves froides de Chaumont et de Boulogne, ainsi que la réduction de celle du Mans, à disposition du Sud-Ouest, les centres d’affectation opérationnels se comptent sur les doigts de la main : Sarreguemines, Vierzon, Nevers, Vénissieux et Narbonne. Sarreguemines, Nevers et Narbonne assurent quelques services pour aider la traction thermique, mais les prestations sont insignifiantes. À longueur d’année, le nombre de machines quotidiennement en service ne dépasse pas 21 unités sur l’en semble de la SNCF, il est même nul plusieurs jours de suite. […]

1974. La reddition sans conditions

Les livraisons massives de locomotives thermiques appartenant à la classe 67400, dont les commandes avaient été calculées pour éponger la traction vapeur et disposer sur le plan national d’un potentiel de réserve plus maniable que les 141 R de la réserve froide, précipitent les décisions finales à l’égard des Mikado « Libération » dont le nom de baptême n’est plus qu’un lointain souvenir.

Soixante et une machines demeurent à l’inventaire le 1er janvier 1974, mais au cours du premier trimestre, seules tournent en Moselle, les R 73, 420, 568 et 654, à un rythme extrêmement bas. Devant le coût et l’importance des servitudes propres à la traction vapeur, notamment, maintien en bon état, rallumage, réduction des installations, problèmes liés au personnel de conduite autorisé, contingences techniques (chute de timbre, épreuves de réservoir, etc.), la direction du Transport décide, fin mars, de réduire une dernière fois les parcs des établissements et de ne conserver qu’une trentaine d’unités pouvant éventuelle ment servir à des fins extra -commerciales, par exemple, location à des tiers pour production de vapeur. Frappé par les limites d’épreuve, ce parc s’amenuise aux cours des troisième et quatrième trimestres. Ainsi, 28 ans et quatre mois après les premiers tours de roues des 141 R 458 à 468 à Châlons, la dernière 141 R a été utilisée en France sur un train de marchandises ordinaire. C’est à la R 73 du réseau Est qu’échut cet honneur, le 28 mars 1974, lorsqu’elle remorqua de Béning à Sarreguemines le RO 51 083, mais contrairement à la R 466, ornée de drapeaux et accompagnée par une foule d’admirateurs et curieux en liesse, l’événement passa à peu près inaperçu ! Quelques semaines plus tard les R fuel prêtées aux chemins de fer helléniques rentraient en France après avoir par couru 211 020 km. Voici donc terminée cette extraordinaire histoire des 141 R, dont la traction électrique et les engins thermiques ont eu raison. Cette série s’est remarquablement comportée plus d’un quart de siècle durant. Son maintien en service très longtemps après le retrait d’autres séries de machines à vapeur plus récentes, a été largement influencé par son parfait état de fonctionnement. Ceci nous conduit à évoquer l’organisation de l’entretien des 141 R, les parcours réalisés et la constitution de la « réserve froide ».

Entretien des 141 R

Comme les autres types de locomotives à vapeur, les 141 R devaient subir des visites périodiques, selon un cycle bien déterminé, VPL : visite périodique avec lavage tous les quarante- cinq jours, VPFA et B : visite périodique à froid à trois mois (A) ou six mois (B)… Entre les VPL et VPF venaient en outre s’intercaler des VPP : visites périodiques en pression.

Les 141 R se sont révélées à l’usage d’un entretien particulièrement économique, se classant assez loin en tête de toutes les séries du parc SNCF, avec 27 heures passées aux 1 000 kilomètres, qui se décomposaient en 20 heures pour l’entretien courant, cinq heures pour les VPF et deux heures pour les révisions intermédiaires, contre une cinquantaine en moyenne pour les autres catégories. Dans les années 1955-1960, on tomba à 22-23 heures aux 1 000 km. Les levages au cours desquels on procédait à l’expertise minutieuse de toutes les parties constitutives des machines nécessitaient la désolidarisation de la chaudière du train de roues, avec échange des essieux ayant besoin d’un reprofilage. Ils furent programmés en premier lieu, tous les 120 000 km pour les locomotives à boîtes à coussinets, à 140 000 km pour celles à rouleaux, une révision intermédiaire (R) étant réalisée à mi-parcours. La constitution robuste des machines permit d’augmenter progressivement ces données théoriques. En 1958 on était à 165 000 et 185 000 et en 1970 à 175 000 et 200 000 pour les 1101 à 1340. Il n’en est pas moins vrai qu’une certaine tolérance était admise en pratique, des engins ayant réussi à cumuler jusqu’à 230 000 km sans incidents, entre deux opérations de l’espèce.

Au cours de l’année 1948, où l’ensemble du parc fut réceptionné, le nombre de levages effectués atteignit 576. En 1949, ce chiffre passa à 715. À compter des années 1960- 1962, la charge diminua graduellement tout comme la réalisation des épreuves hydrauliques d’appareils à vapeur que l’on jumelait au levage, car elle nécessitait la mise à nu de la chaudière et sa vérification à la pression de 20-24 hpz, en présence de l’ingénieur local des Mines. Le délai de péremption de cette opération était de 10 ans et de huit ans pour les réservoirs d’air, essayés, eux, à 14 hpz. En prévision de la fi n de la traction vapeur, les épreuves hydrauliques et les levages furent stoppés en 1968. D’une façon générale, les gros centres réparateurs avaient cessé ces opérations antérieurement, soit pour s’adonner aux travaux d’entretien du matériel moderne (Montigny-lès-Metz, ANM, Sotteville-QM) soit pour cause de fermeture définitive (Délivrance). Par contre, plusieurs des 170 machines devant être incorporées à la réserve froide à partir de 1971, eurent leur vie prolongée en passant en 1969-1970 une RI2, sorte de levage déguisé, dans quelques dépôts : Chaumont, Boulogne, Thouars, Auray, Vierzon, Miramas et Cherbourg, ce dernier rouvert pour la circonstance. Ce type de révision prit fin en 1971, où 35 machines seulement furent traitées. Les 114 et 1099 sorties de Cherbourg les 13 et 28 avril 1971 et la 584 de Thouars le 7 mai, ont donc été les toutes dernières locomotives Libération à subir une « intervention chirurgicale importante ».

Parcours des 141 R

Les parcours mensuels ont évidemment été étroitement influencés par le rôle tenu par le parc des dépôts aux différentes époques de la vie des 141 R. Des chiffres moyens de 10 000/12 000 km étaient courants mais des pointes de 18 000 km à Nice et Marseille, l’été ont été souvent enregistrées. Les charbonnières ont eu moins de chance que les machines de la deuxième tranche. Elles étaient surtout utilisées sur les trains RA-RO alors que les fuel assuraient un service voyageurs très développé. Pour mieux situer la faiblesse des dernières prestations de la série, nous ajouterons les kilométrages réalisés en 1973- 1974 par les quelques machines ayant roulé : 1973 : Sarreguemines (68 271 km), Le Mans (586 km), Vierzon (12 380 km), Nevers (41 439 km), Vénissieux (2 786 km), Narbonne (18 685 km) = 144 147 km. 1974 : Sarreguemines (8 946 km). Le Mans (586 km), Nevers (522 km), Vénissieux (1 336 km), Narbonne (428 km) = 11 818 km. En 12 mois, le total de 1973 est analogue à celui qu’effectuait une seule R de Nice, au cours d’une année… !

En ce qui concerne les parcours totaux enregistrés de puis les mises en service, la fourchette est là aussi fort large. Les fuel viennent très nettement en tête, elles ont été intensément utilisées et n’ont été progressivement supprimées qu’après les 1 à 700. Les écarts sont dus à de multiples causes : lieux d’utilisation et fluctuation du trafic […], nature des fonctions assurées […], réparations accidentelles nécessitant une longue interruption de service, garage prolongé atteignant parfois 18 mois, voire deux ans, réforme hâtive, etc. Les résultats vont souvent du simple au double. En moyenne, chaque 141 R 1 à 700 a effectué 1 200 000 km, les fuel, les 1201 à 1219 et les 20 fuel reconverties en 1956 approchant, elles, 1 500 000 kilomètres. Plus d’une trentaine faisant toutes partie du lot 1101 à 1340 est bimillionnaire. La 1158 de Narbonne détient la palme avec 2 464 677 km, plus de 60 fois le tour de la terre !

La réserve nationale froide

Sur ordre du ministère de tutelle, la direction du Matériel et de la Traction admit […] la nécessité de constituer, pour la fin 1971, une réserve nationale froide de 170 engins tenus en parfait état de marche, pour subvenir à tous be soins éventuels. Courant 1970, il apparut nécessaire de réévaluer et d’affiner les besoins futurs en tenant compte des parcours réels des machines et de l’expérience acquise en matière de traction diesel lourde.

Pour le 1er janvier 1972, un abattement de 20 unités fut décidé et le parc exploitable restructuré dans chacun des centres géographiques retenus :

– 70 charbon : 20 sur l’Est à Sarreguemines, 20 sur le Nord à Boulogne, 30 sur le Sud-Est à Nevers ;

– 80 fuel : 25 sur l’Ouest au Mans, 20 sur le Sud-Ouest à Vierzon, 15 sur le Sud-Est à Vénissieux et 20 sur la RM à Narbonne

Soit au total 150. Cette politique eut pour principal avantage la limitation au strict minimum du nombre de révisions intermédiaires (RI) à entreprendre en 1971. À diverses occasions, quelques machines de la réserve froide durent être allumées pour aider, soit les autres R demeurant en service intermittent, soit la traction thermique. En 1972, le cas se présenta à plusieurs reprises à Sarreguemines et Vierzon par suite de l’importance des circulations facultatives, de même qu’à Narbonne, Vénissieux et Nevers lors des pointes voyageurs de fin d’année, Pâques et du plateau d’été. En outre, d’août à fin octobre, l’obstruction des voies principales à Chindrieux en Savoie amena une légère recrudescence des parcours vapeur de ces dépôts.

Au 1er janvier 1973, le potentiel réserve froide tomba à 68 engins […] qui furent rarement dégarés pendant cet exercice. En 1974, d’ultimes rétractions de la réserve interviennent en janvier et en avril, pour aboutir à sa dissolution quasi finale, fin décembre.

Au 1er janvier 1975, il ne restait donc plus que huit 141 R à l’effectif officiel de la SNCF : les 1187 de Vénissieux, 1126 de Narbonne, ayant obtenu des sursis d’épreuve, réservées pour trains commémoratifs ou spéciaux ; les 754, 802 du Mans et 840, 1108, 1163, 1332 de Vierzon arrivant à chute de timbre encours d’année.

Une page de l’histoire du chemin de fer est tournée…

La fin des 141 R, c’est la fin de la traction à vapeur en France. […] Les 141 R n’étaient pas frappées de sénilité. Elles auraient pu rouler de longues années encore, à condition de subir les grands travaux d’entretien nécessaires. Le progrès en a décidé autrement ! Avec leur extinction définitive, c’est toute une atmosphère qui disparaît. On aura du mal à oublier leur image si familière. Ne parlons pas des équipes « mécaniciens-chauffeurs », formant bloc malgré le régime de la banalité, ayant vécu ensemble, par tous les temps, de longues heures, voir la moitié de leur carrière, sur les tabliers des machines, poursuivant un double objectif : la sécurité et la régularité des convois dont ils avaient la charge. Quant aux agents d’entretien agissant en coulisse, leur rôle n’en était pas moins dé terminant. […]

Il y aura naturellement une R en bonne place au Musée français des chemins de fer. La R 1158 était toute désignée pour y figurer. Après sa restauration en cours au dépôt de Narbonne, elle rejoindra à Mulhouse-Nord ses soeurs des anciens réseaux.

 

Cet article est tiré du numéro 1516 du 9 novembre 1975 dont voici la couverture :

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