Les « cercueils volants », voici l’engageant surnom que les habitants de la petite cité minière de Tchiatoura dans la région de l’Iméréthie, dans l’ouest de la Géorgie, ont donné aux cabines de leur réseau de téléphériques datant de l’ère soviétique, des dernières heures du stalinisme triomphant. Ceux-ci permettent de relier la ville au fond de la vallée dessinée par la rivière Kvirila aux entrées des mines de manganèse qui se situent en haut, dans la montagne. Certains de ces systèmes de transport par câble affichent des pentes de 90 %, une prouesse technique à l’époque. Le magazine d’Arte « Géo Reportage » a diffusé ce documentaire sur ce mode de transport insolite initialement en novembre 2016.
Au coeur du Caucase, Tchiatoura doit sa prospérité – et son réseau de téléphérique – à son gisement de manganèse qui depuis la fin du XIXe siècle assure la prospérité de la ville. Jusqu’au début de la Première Guerre mondiale, la ville se développe rapidement. La plus grande des mines s’enfonce de 10 km dans la montagne. Un petit réseau ferré permet de déplacer mineurs et minerai. Le train y circule à 5 km/h et est un maillon essentiel de la mine.
Installés dans les années 1950, les téléphériques étaient les tout premiers du bloc soviétique. Ce réseau gratuit a compté pour le transport des mineurs jusqu’à 26 lignes, à l’époque du tournage du documentaire seules huit sont toujours en service. Pour le transport, du matériel et du minerai extrait, 50 lignes de transport par câble ont également été construites. Les téléphériques, essentiels pour l’extraction du minerai de manganèse, n’ont jamais été rénovés. Une fois par semaine, le mécanicien Amirani Bareladze, 57 ans, pour 600 laris par mois (soit près de 230 euros, le salaire moyen dans le pays), grimpe sur le toit des téléphériques, graisse les poulies et veille sur les moteurs, avec inquiétude certes, mais aussi avec une confiance inébranlable dans sa capacité à tout réparer, malgré l’absence de pièces de rechange, d’outils modernes. Si les employés sont plutôt confiants, les passagers semblent l’être beaucoup moins. Ils ont tous une anecdote sur les dysfonctionnements du réseau.
Finalement, les téléphériques sont devenus emblématiques de la ville, ce sont la tour Eiffel, le Panthéon ou le Big Ben de cette petite ville perdue au milieu du Caucase. Les touristes l’empruntent, jouent à se faire peur, en partageant la cabine des mineurs étonnés.
Le documentaire a été tourné il y a plusieurs années et le discours du gouverneur sonne alors comme un énième voeu pieux. Pourtant, le projet de modernisation du réseau de transport existant a bien été lancé et quatre nouvelles lignes viendront y connecter les quartiers périphériques de la ville et doivent accueillir prochainement plus de 10 000 passagers quotidiens.
Lundi 29 juillet à 10h20 sur Arte.
« Géo Reportage. Géorgie : des téléphériques qui défient la mort ».
Reportage de Manuel Fenn (Allemagne, 2016, 43 mn).
Pour suivre toute l’actualité culturelle ferroviaire, suivez Samuel Delziani, chef de la rubrique Culture Rail de la Vie du Rail, sur Twitter.