L’incontournable » de cet épisode du magazine d’Arte « Invitation au voyage » nous conte l’incroyable histoire de la tentative russe de faire circuler sur des rails posés à même la glace des convois militaires sur le lac Baïkal (en Sibérie), une immense étendue d’eau prise dans les glaces près de six mois par an qui constitue la plus grande réserve d’eau douce liquide de la planète. Accessoirement, c’est également le lac le plus profond du globe.
Il constitue un obstacle naturel sur la route du Transsibérien, barrant la route vers Vladivostok. Véritable mer intérieure longue de 636 km et large de 48 km, il apparaît, dès le début de la construction du Transsibérien (plus de 7 500 km de Tcheliabinsk à Vladivostok), comme un rempart insurmontable. Longtemps, il fut franchi grâce à deux brise-glace, l’un, le Baïkal, transportant les machines, l’autre, l’Angara, transportant le fret et les passagers. Mais quand en 1904 la Russie et le Japon, deux empires qui nourrissent d’importantes ambitions hégémoniques en Extrême- Orient, se rencontrent en Mandchourie et dans les îles septentrionales de l’archipel nippon, la guerre devient inévitable. Pour l’armée du tsar, la question de l’acheminement des soldats et des armes vers la ligne de front devient centrale et à Moscou tous les regards sont tournés vers le lac. Un historien spécialisé dans les chemins de fer russes nous raconte comment le ministre des Transports va alors proposer une solution incroyablement risquée : construire une voie de chemin de fer sur les eaux glacées du lac. Au départ, ils pensaient pouvoir faire circuler les locomotives sur la glace. Mais celle-ci ne parvenait pas à supporter l’énorme poids de ces mastodontes. Il fallait donc les séparer en trois parties – la chaudière, le châssis et le tender – pour les transporter, tractées par des chevaux. En un mois, dans le terrible hiver sibérien, 65 locomotives sont ainsi acheminées par cette voie instable. Plus de 2 000 wagons et des tonnes de munitions suivent le même chemin. Une gare est même construite au milieu du lac pour que les soldats puissent se reposer et se protéger du froid.
La Russie du tsar perdra cette guerre et il faudra attendre la mise en service du chemin de fer circumbaïkalien qui contourne sur 260 km le lac en passant par sa rive sud pour voir enfin le Transsibérien contourner le lac et achever la réunification ferroviaire de ce pays-continent, sans aucune rupture de charge.
Mardi 8 janvier à 16h30 sur Arte. « Invitation au voyage » présentée par Linda Lorin.
Coproduction : Arte France, Éléphant Doc (France, 2018, 38 mn).