Créé il y a tout juste 50 ans pour célébrer le cinquantenaire de l’Union internationale des chemins de fer (UIC), le pass Interrail permet encore aujourd’hui de voyager dans presque toute l’Europe en empruntant une multitude de trains (et même quelques ferries). Une expérience qui a réuni des millions de voyageurs dans un nouveau « Grand tour », du nom de ce voyage entrepris par les jeunes élites européennes à partir du XVIIe siècle, formant une première identité européenne. Aujourd’hui, ce « Grand tour » s’accomplit en train ! Depuis 1972, des centaines de milliers d’Européens sont ainsi partis à la découverte de leur continent, le pass Interrail créant pour des générations d’intrépides voyageurs ferroviaires des souvenirs impérissables. Réservé initialement à la jeunesse, le pass s’adresse aujourd’hui à toutes et à tous, et même aux non-Européens sous le nom de pass Eurail. Depuis 2001, la société Eurail Group GIE, une coentreprise fondée par plusieurs compagnies ferroviaires européennes et dont le siège est basé aux Pays-Bas, propose des pass Interrail à des voyageurs de toute l’Europe et permet aujourd’hui de circuler sur les réseaux de 33 pays avec un unique billet. Un moyen pour voyager sans se ruiner, tout en jouissant d’une grande flexibilité. Et surtout, à l’heure de l’urgence climatique, il permet de découvrir le monde sans trop alourdir son empreinte carbone.
Grand voyage mais petite empreinte carbone
En un demi-siècle d’existence de la carte Interrail, la popularité de ce pass permettant de voyager à travers l’Europe a connu des hauts et des bas. Mais, à l’heure où le voyage ferroviaire sur de longues distances redevient « tendance » – et pas seulement en train de nuit -, une carte qui facilite les longs parcours sur plusieurs réseaux est un atout. Non seulement pour la flexibilité qu’elle permet ou pour son prix intéressant, mais, d’une façon plus altruiste, parce que l’empreinte carbone du train est dix fois plus faible que l’avion, son principal concurrent sur les longues distances. A condition toutefois que les mesures sanitaires dans les différents pays traversés le permettent…
C’est à un beau voyage plein de surprises que nous vous convions, effectué au début du mois de novembre dernier. Un voyage de presse remarquablement organisé, pour lequel une demi-douzaine de participants a chargé sur l’application Rail Planner (voir description page 17) un Interrail Global Pass de 1re classe. La version qui avait été offerte aux membres du groupe était valable sept jours, pas nécessairement consécutifs, durant un mois.
Du point de rendez-vous à Fribourg-en-Brisgau, dans le sud- ouest de l’Allemagne, à la dernière journée en commun à Berlin, en passant par les rives suisses du lac de Constance et les sommets du Tyrol autrichien, ce voyage s’est déroulé dans la bonne humeur, malgré quelques trains en retard…
Jour 1
De Paris A Karlsruhe en ICE, sans Interrail
Ce matin, le soleil baigne les halls de la gare de Paris-Est, où débute mon parcours jusqu’au point de rendez-vous, à Fribourg-en-Brisgau. En principe, rien de plus simple : je prends le train à grande vitesse ICE 9573 de Paris-Est à Stuttgart, où j’ai une correspondance vers le sud. En réalité, ce voyage placé sous le double thème du développement durable et du pass Interrail commence par une petite entorse aux avantages offerts par ce titre de transport international, qui autorise deux voyages dans son pays de résidence, l’un à l’aller vers la frontière, l’autre au retour. En effet, je ne profiterai pas de cette facilité lors de mon voyage aller, vu qu’il n’y avait plus de places disponibles pour les détenteurs de pass Interrail (ces places sont en nombre limité dans les trains à grande vitesse circulant en France, à réservation obligatoire). C’est donc avec un billet plein tarif que ma réservation a été faite. Arrivé à Paris-Est avec une douzaine de minutes d’avance pour le train de 10 h 46, je découvre aussitôt que ce dernier est annoncé avec 40 minutes de retard, «pour réutilisation d’un train arrivé tardivement ». Je préviens l’organisation du voyage de presse, qui m’indique que je ne suis pas le seul dont le voyage risque d’être perturbé. Car, si mon ICE ne rattrape pas son retard en route, je peux faire une croix sur la correspondance prévue à Karlsruhe… A 11 h 07, à peine la voie de départ est-elle affichée que la foule se précipite vers cette dernière, où ni le passe sanitaire ni les billets ne seront contrôlés. Au bout du quai, la voiture-pilote de la rame ICE (série 407) affiche la couleur : la bande appliquée sur sa livrée blanche est verte (couleur également choisie par Interrail), au lieu du rouge de la DB.