Après les meilleures scènes d’action qui se déroulent dans un train, une gare ou encore le long des voies ferrées, nous nous penchons cette semaine sur les meilleures scènes comiques en milieu ferroviaire. Voici notre Top 10, une sélection qui tente de représenter toute la variété de l’humour au cinéma. Bref, voici de l’absurde, des quiproquos, du comique de situation ou de répétition et beaucoup de gags.
■ Réaction en chaine
Pas facile de prendre un train en marche… encore moins quand on a les pieds entravés et qu’une chaîne nous relie à deux complices, aussi crétins et maladroits qu’on ne l’est soi-même! Dans cette scène, le premier se hisse plus ou moins facilement à bord du wagon de marchandises, le second y parvient en y sacrifiant sa fierté, mais quand le troisième trébuche en essayant de tenir le rythme, une réaction en chaine expulse le trio du train sans ménagement.
Dans cette (très) libre interprétation de l’Odyssée d’Homère signée des frères Coen, Delmar O’Donnell (Tim Blake Nelson), Ulysses Everett McGill (George Clooney) et Pete (John Turturro) errent dans le Sud profond et y croisent une multitude de personnages, dont certains ont réellement existé, comme George «Babyface» Nelson (Michael Badalucco), un gangster des années 30, ou encore Tommy Johnson, (Chris Thomas King), l’un des bluesmen les plus célèbres de l’époque. Dans les deux cas, les deux cinéastes ont pris de grandes libertés avec la réalité historique pour mieux nous faire rire.
O’Brother de Joel et Ethan Coen. Touchstone Pictures, Universal Pictures, Studio Canal, Working Title Films. Etats-Unis, France, Grande-Bretagne (2000)
■ Voyage en Absurdie
On voyage dans cette scène du film Top Secret au pays de l’absurde. Les trois réalisateurs, Jim Abrahams, David et Jerry Zucker, perpétuent ici la formule qui a fait le succès de leurs films parodiques, de Y a-t-il un pilote dans l’avion ? à la série amorcée par Y’a t’il un flic pour sauver la reine ? Nous suivons les pérégrinations de Nick Rivers, une star américaine du rock and roll, qui doit participer à un festival qui se déroule à Berlin-Est. Ce rassemblement est en fait l’instrument d’un complot ourdie par un groupe de néo-nazis qui cherche à couler la flotte de sous-marins de l’OTAN. Le jeune rocker va participer à la résistance qui s’organise. Dans cette scène, il monte à bord d’un train en compagnie de son impresario. Alors qu’il semble avoir démarré, c’est en fait toute la gare qui est en mouvement. Puis, alors que le train s’élance les gags absurdes s’enchainent…
Top Secret de Jim Abrahams, David et Jerry Zucker. Kingsmere Properties, Paramount Pictures. Etats-Unis, Grande-Bretagne. (1984).
■ La folie Tati en gare d’Argentan
« Le cinéma, c’est un stylo, du papier et des heures à observer le monde et les gens. » disait Jacques Tatischeff, dit Jacques Tati (Mon Oncle, Trafic, Playtime, Parade) a bâti son oeuvre sur son sens de l’observation.
Dans cette scène tournée en gare d’Argentan, la foule des voyageurs tente de suivre les consignes des annonces – plutôt obscures, mais finissent tout de même par parvenir à monter à bord du bon train.
Tati est le créateur de monsieur Hulot, un grand bonhomme maladroit fumant continuellement la pipe, portant un chapeau et toujours un vieil imperméable élimé. Quand ce personnage clé de l’humour des Trente glorieuses profite de ses congés payés, il réalise une ode au vacances, à l’été, à l’insouciance. Touchant de maladresse, il enchaine les catastrophes…
Dans un article publié en 1936, Colette prévenait : « Désormais je crois que nulle fête, nul spectacle d’art et d’acrobatie ne pourront se passer de cet étonnant artiste, qui a inventé quelque chose. Quelque chose qui participe de la danse, du sport et du tableau vivant ».
Les Vacances de monsieur Hulot de Jacques Tati. Cady films. France. (1953)
■ Taffeta Darling !
Ces adieux sur un quai de gare sont parmi les plus mémorables du cinéma ! Le truculent Gene Wilder aimerait embrasser sa promise, mais elle ne veut pas pas abîmer son rouge à lèvre. Alors qu’il veut lui caresser les cheveux, elle lui explique qu’elle ne veut pas être décoiffée. Et quand il désire l’enlacer, elle lui souffle : « Taffetas Darling ». Il confond alors le nom de ce tissu satiné avec un mot doux… Les deux amoureux finiront par s’effleurer les coudes pour se dire adieu. Bien avant cette mode de la distanciation sociale qui nous est aujourd’hui imposée, voici le jour où le salut du coude a été inventé !
Au départ, Mel Brooks (La Folle histoire du monde, Sacré Robin des Bois, La Folle histoire de l’espace) est réticent à l’idée de tourner une énième adaptation du roman de Mary Shelley. C’est d’ailleurs Gene Wilder qui a transmis le scénario à Mel Brooks et qui a réussi à convaincre le réalisateur. Le résultat : une merveilleuse parodie et un vibrant hommage aux films d’horreur des années 1930.
Frankenstein Junior de Mel Brooks. Michael Gruskoff Productions, Twentieth Century Fox. Etats-Unis. (1974)
■ Une scène qui claque !
Cinq amis se sont postés au bout du quai et alors que le train accélère doucement pour s’élancer vers sa prochaine destination, ils en profitent pour distribuer de grandes claques aux voyageurs penchés à la fenêtre. A cause de cette scène, il était devenu risqué de se pencher à la fenêtre pour saluer dans les gares italiennes… Immense succès populaire chez nos voisins transalpins, notamment grâce à ce gag mémorable, Mes chers amis réunit un casting de rêve : Ugo Tognazzi, Philippe Noiret, Gastone Moschin, Duilio Del Prete et Adolfo Celi. Ils jouent ces cinq copains, hommes d’âge mûr, qui prolongent leur enfance en multipliant les blagues potaches. À la mort de l’un d’entre eux, ils se remémorent les meilleures d’entre elles. Mes chers amis rencontre un immense succès de l’autre côté des Alpes ! Il faut absolument voir ce film ne serait-ce que pour cette scène d’anthologie, l’une des plus drôles du cinéma italien.
Mes chers amis de Mario Monicelli. Production Carlo Nebiolo. Italie. (1975)
■ Les conséquences d’une vie sans conséquence
Phil Connors est l’insupportable monsieur météo d’un chaîne de télévision locale de la région de Pittsburgh. Imbu de lui-même, irrespectueux avec ses collègues et méprisant son public, il agace tous les gens qui croisent sa route. Parti réaliser un reportage à Punxsutawney sur les festivités annuelles du Jour de la marmotte, sur place, chez les « bouseux », comme il appelle les habitants de la petite ville. Alors qu’il se réveille, il se rend compte que c’est la radio, suivie du même commentaire du présentateur. Le reste de sa journée s’avère alors être exactement la même !
Dans cette scène, alors qu’il est passablement éméché, il se rend compte que si la journée qu’il passe est toujours identique, cela signifie que ses actes n’entrainent aucune conséquence. Dans cette perspective, on peut absolument faire n’importe quoi ! Ici, il lance une course poursuite avec une voiture de police et s’enfuit même sur une voie ferrée. Bien sûr, un train y fait son apparition…
Un jour sans fin d’Harold Ramis. Columbia Pictures. Etats-Unis (1993)
■ Quand Charlot prend le tramway
« L’humour est l’arme blanche des hommes désarmés. Il est une forme de révolution pacifique et passive que l’on fait en désamorçant les réalités pénibles qui vous arrivent dessus. » expliquait l’écrivain Romain Gary. Charlie Chaplin a probablement déjà vécu les affres d’un trajet dans un tramway bondé et a désamorcé cette pénible réalité en filmant cette scène devenue mythique. Après une soirée bien arrosée, Charlot tente de retrouver ses pénates – et sa mégère de femme – en prenant le tramway.
Celui-ci est rempli comme un oeuf, les voyageurs débordent, accrochés en grappes tout autour de la machine. Quand il parvient enfin à pénétrer à l’intérieur, il en est expulsé comme une savonnette après que d’autres passagers soient montés. Finalement, Charlot confond le tramway avec un magasin ambulant. Monte à bord de la roulotte, s’agrippe à une saucisse qui pend, entreprend de lire le journal et quand le commerçant victime de son étourderie lui tape sur l’épaule, il lui donne une pièce pensant payer son ticket !
Tournée de nuit – un défi à l’époque, cette scène est un bijou de chorégraphie entre les mouvements des comédiens et le véhicule. Chaplin y met en scène son personnage ainsi que d’autres figurants sur un véhicule roulant rapidement dans une lumière parfaitement réglée. Un tour de force technique.
Jour de paye de Charlie Chaplin. 1st National. Etats-Unis. (1922)
■ Quand Chaplin ridiculise les régimes totalitaires
Quand le fasciste Benzino Napoleoni (joué par un Jack Oakie en grande forme), dirigeant de la Bactérie, est en visite diplomatique en Tomanie chez le nazi Adenoïd Hynkel, il prend le train. Mais l’arrivée en gare, où l’attend une délégation officielle et un tapis rouge, s’avère plus compliquée que prévue… surtout quand le conducteur semble prendre plaisir à ridiculiser tout ce beau monde. Grâce à un habile jeu de panneaux représentant le train, Charlie Chaplin signe une grande scène burlesque, ridiculisant Mussolini et Hitler et leurs idéologies. Une pierre, deux coups.
Comme l’expliquait le cinéaste : « La situation de la caméra doit créer la composition et permettre à l’acteur de faire son entrée dans les meilleures conditions. L’emplacement de la caméra, c’est l’accent du langage cinématographique. » Premier film parlant du cinéaste britannique, Le Dictateur restera le plus grand succès commercial de Chaplin. Avec cette histoire d’un barbier juif sosie d’un dictateur antisémite, il signe également un de ses films les plus politiques.
Le Dictateur de Charlie Chaplin. Charles Chaplin Productions. Etats-Unis. (1940)
■ Insaisissable Buster Keaton
Dans Malec l’insaisissable, Buster Keaton échappe à ses poursuivants en montant à bord d’un train. Les acrobaties ferroviaires sont ici réalisées – comme toujours chez Keaton – sans trucages, ni doublure ! Suite à un malentendu, on le prend pour Dead Shot Dan, un dangereux criminel recherché par toutes les polices de la ville. Une méprise qui le place dans une situation source de nombreux quiproquos.
Buster Keaton est l’un des plus grands acteurs comiques du cinéma muet. Son oeuvre est marquée par l’empreinte des rails, comme dans Les lois de l’hospitalité. Il a beaucoup utilisé le train (et le tramway) dans ses films, notamment celui qui a eu un tel retentissement qu’il a quelque peu éclipsé le reste de l’oeuvre de Keaton, Le Mécano de la Générale. Pour ce dernier film, dont nous avons souvent parlé dans nos pages, il fit construire plusieurs machines identiques, équipées de chaudières à bois, qu’il lança à travers les plaines de l’Oregon. Pour la scène de destruction de la locomotive, il a même fait bâtir un pont ferroviaire en bois qui enjambe une rivière. Une scène qui sera la plus chère de toute l’histoire du cinéma muet.
Malec l’insaisissable de Buster Keaton. Comique Film Corporation. Etats-Unis. (1921)
■ Baiser volé
Tournée dans la petite gare de Kostomlaty, près de Prague, nous rions dans cette scène des déboires du pauvre Milos, victime d’un collègue cheminot qui siffle le départ du train au pire moment !
Trains étroitement surveillés de Jirí Menzel (1966) est un bijou inclassable. Alors que le second conflit mondial touche tout le continent européen, Milos vient d’être embauché dans une petite gare en Tchécoslovaquie, où il se forme aux finesses de l’aiguillage et de la signalisation et surtout à celles de la hiérarchie. Il y tombe amoureux d’une jeune contrôleuse et bien que celle-ci soit réceptive aux atouts du jeune premier, sa timidité maladive l’empêche de la séduire. Alors qu’il s’empêtre dans ses propres doutes, des résistants préparent une attaque contre un convoi de l’occupant nazi. Adapté d’un roman de Bohumil Hrabal, qui signe également le scénario, le tournage a eu lieu en Bohème. Ce film a lancé la carrière internationale de Jirí Menzel, il remporta même l’Oscar du meilleur film étranger en 1968. Le réalisateur y use d’un humour noir et acide pour nous confronter à toute l’absurdité de ce monde de l’attente, où personne ne semble travailler, mais où tout est « étroitement surveillé ».
Trains étroitement surveillés de Jirí Menzel. Filmové studio Barrandov. Tchécoslovaquie (1966)
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