Le gouvernement a pris la main sur les négociations sociales dans le ferroviaire. La refonte du RH0077 est oubliée… et les gains de productivité avec. Contrepartie : la SNCF devrait être partiellement désendettée.
La vieille recette pour mettre fin à un conflit, et que la suite ne soit pas trop pourrie, c’est que personne ne sorte humilié. En l’occurrence, il faut ou il fallait que le gouvernement puisse dire : la fermeté paye, la CFDT : le dialogue paye, et la CGT : la lutte paye. À l’heure où nous bouclions, le 1er juin, jour de grève à la SNCF, on voyait s’esquisser une solution tenant – plus ou moins – compte des intérêts et des vues de chacun. Solution qui devait être bouclée le lundi 6 juin.
Le gouvernement fait tout pour sauver la loi El Khomri
Stratégie du pouvoir : empêcher la mayonnaise de prendre. Et donc, multiplier les mesures sectorielles. Augmenter les profs, régler la question des intermittents, lâcher du lest à la SNCF. À ce prix, le gouvernement espérait ne pas reculer, ou fort peu, sur la loi El Khomri. Alain Vidalies, le secrétaire d’État aux transports, expliquait au moment de sa nomination qu’il était à ce poste pour suivre la négociation sociale à la SNCF. Cet avocat spécialiste du droit du travail n’a pas forcé son talent. Le moment venu, il s’est emparé du dossier, a reçu en direct la CFDT et l’UNSA, et a tout lâché. À quelques détails près, le RH0077 qui devait être amendé est maintenu. Un représentant de la DRH de la SNCF assistait à la négociation, mais l’entreprise n’a pas cautionné le relevé de conclusion.
La CFDT et l’UNSA sauvent le RH0077
Fidèle à son partenariat avec la réformiste CFDT, le gouvernement a reçu ses représentants mais aussi ceux de l’UNSA et concocté la solution avec la CFDT, dont le secrétaire général, Laurent Berger, était directement à la manœuvre. La CFDT faisait du maintien de la règle 19/6 pour les roulants un préalable. Elle a eu gain de cause et s’est retirée de la grève. On s’attendait à ce que l’UNSA fasse de même après avoir consulté sa base au soir du 1er juin, sur la base du texte final que la SNCF devait alors remettre.
La CGT et SUD plus embarrassés
Les deux syndicats contestataires demandent à la fois le retrait de la loi El Khomri et le maintien du RH0077. A priori, leur victoire ne s’annonçait pas complète mais la défaite non plus. La CGT continuait à demander que tout le monde soit au même régime, public ou privé : RH0077 pour tout le monde. Et toujours des changements radicaux sur toutes les questions sociales à la SNCF.
La SNCF court-circuitée
Guillaume Pepy a-t-il mis sa démission dans la balance ? À la SNCF, on jure que ce n’est pas le cas. Et on dément que Jean-Marc Ambrosini, le DRH, ait voulu claquer la porte. On glisse même que d’aucuns, trop contents de voir Guillaume Pepy marginalisé, auraient répandu la rumeur de sa démission, pour le pousser vers la sortie. Quoi qu’il en soit, la pilule est amère pour une direction qui travaille depuis deux ans sur la réforme des conditions de travail et cherche à trouver des efforts de productivité de 500 millions d’euros par an. L’entreprise a demandé que le coût de l’abandon en rase campagne par le gouvernement des mesures de productivité soit acquitté par le pouvoir. Ce seraient selon Le Figaro 8 milliards de dette qui seraient repris par Bercy. Soit 350 millions d’intérêts par an. En gros ce qu’on attendait de la refonte du RH0077. Un jeu à somme nulle ? Pas vraiment. Ce n’est pas la même chose de voir les intérêts de sa dette allégés ou de mettre en place un outil performant. De se fonder sur une promesse de Bercy, ou de fournir l’effort en interne. Sans même parler de la concurrence dans le ferroviaire, on ne voit pas comment résister à Blablacar ou aux cars Macron si les coûts d’exploitation ne baissent pas. En cédant sur tout, le gouvernement fait un choix : la réduction de la part du chemin de fer. Quant à Guillaume Pepy, on veut bien croire qu’il n’a pas présenté sa démission. Mais il y avait de quoi.
F. D.