En gare de Thonon-les-Bains, une passerelle construite à la fin du XIXe siècle permet de relier le quartier de la Crête au centre-ville. Au grand dam de nombreux Thononais, cet élément de patrimoine est menacé de démolition depuis la construction d’une nouvelle passerelle.
Dans de nombreuses villes en France, la population est attachée à son patrimoine local, et elle l’est d’autant plus lorsque ce patrimoine a une fonction. C’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit d’une passerelle, cheminement qui relie les habitants entre eux, les connecte à leurs commerces, leurs écoles, leur lieu de travail ou leurs loisirs. En gare de Thonon-les-Bains (Haute-Savoie), la passerelle historique qui enjambe les voies ferrées n’échappe pas à l’affection que portent les Thononnais aux éléments qui font partie de leur décor quotidien. Destinée à permettre aux habitants du quartier de la Crête d’accéder facilement au centre-ville, cette passerelle a été ouverte au public le 27 août 1881, avec interdiction « d’engager sur cet ouvrage aucun véhicule de quelque nature qu’il soit, les piétons seuls peuvent y circuler » (Le Léman, le 28 août 1881). « L’ouvrage a été construit en moins de six mois, en fer puddlé, un matériau d’une exceptionnelle longévité à condition d’être entretenu et repeint régulièrement. C’est un bon exemple de l’engouement pour le fer au XIXe siècle, à l’époque de la première révolution industrielle et de l’essor de la métallurgie en lien avec le développement du chemin de fer », indique Béatrice Rambeaud, de l’association des riverains du quartier de Crête, qui a recueilli les témoignages de Thononnais et s’est documentée sur l’histoire de la passerelle (Chablais Terre d’industrie, de Denis Guers et Jean- Claude Tabernier, Ed. Fontaine de Si loë, article de Joseph Ticon dans Le Dauphiné du 10 septembre 2021).
Un trait d’union avec le centre-ville
A l’origine, les marches de la passerelle étaient en granit. Elles ont été remplacées par des marches en béton en 2000. C’est la seule modification qui a été apportée à la passerelle historique. « Chaque année, le premier jeudi de septembre, la passerelle est à l’honneur lors de la célèbre Foire de Crête (depuis 1477), car elle relie la place de Crête, où a lieu la foire, au reste de la ville. Et tout au long de l’année, les lycéens et les scolaires empruntent la passerelle pour rejoindre le centreville », raconte Béatrice Rambeaud.
Menacée d’être démolie
L’arrivée du chemin de fer à Thonon date de 1880. En décembre 2019, soit près de 140 ans plus tard, le train Léman Express fait son entrée en gare de Thonon- les-Bains, avec ses rames toutes neuves et colorées. Peu de temps auparavant, une toute nouvelle passerelle a été inaugurée. Elle est entièrement vitrée et dotée d’un ascenseur. « La nouvelle efface la renommée de l’ancienne, mais pas son usage ! Les deux passerelles sont à peu près parallèles, mais ne desservent pas les mêmes rues, et, lorsque l’on est à pied, chaque dizaine de mètres compte… », souligne Béatrice Rambeaud. Las, une délibération du conseil municipal de Thonon acte la démolition de l’ancienne passerelle dans un délai de quelques années, ce que déplore l’association des riverains du quartier de la Crête. Faute d’entretien régulier, la passerelle métallique est en effet en mauvais état. Mais elle reste très utilisée et appréciée des piétons. « L’ancienne passerelle a vu passer tous les trains, depuis les locomotives à vapeur de la fin du XIXe siècle jusqu’aux rames de l’actuel Léman Express. Il serait dommage qu’elle ne soit plus spectatrice des prochaines évolutions », commente l’association, qui plaide pour la conservation de cet élément de patrimoine.