Alors que le véhicule autonome s’invite de plus en plus dans le débat sur les transports de demain, nous avons souhaité interroger des responsables d’entreprises parties prenantes du développement de ces véhicules. Et leur demander de nous livrer leur vision de ce mode de transport dont tout le monde semble tant attendre.
L e 18 mars, à Tempe, dans l’Arizona, une femme a été mortellement blessée par un véhicule autonome d’Uber. Uber a aussitôt suspendu ses essais. Toyota aussi. L’accident ne devrait pas arrêter la marche du véhicule autonome. Mais il vient rappeler qu’il n’est pas prêt. Et qu’il ne sera accepté que s’il est sûr à 100 %. Pour l’instant, ce sont les débuts. En France, près d’une cinquantaine d’expérimentations de véhicules autonomes ont été autorisées sur la voie publique. Tout compris, du véhicule personnel à la navette. C’est modeste, mais c’est médiatisé. Il ne faut pas être à la traîne dans la course à l’innovation et, dans le transport public, les grands opérateurs et les autorités organisatrices ne manquent pas de le faire savoir lorsqu’ils expérimentent de nouveaux services. Comme Keolis avec Navya à Lyon Confluence ou à la Défense, la RATP avec EasyMile sur le pont parisien Charles-de-Gaulle, près du château de Vincennes ou au CEA de Saclay, ou encore Transdev avec Navya à la centrale nucléaire de Civaux, avec EasyMile dans le parc d’affaires de Rungis… Même si l’on ajoute que certaines expériences ont lieu sur route ouverte, ou si l’on tient compte du robot-taxi de Transdev et Renault à Rouen, la présence sur le territoire national du véhicule autonome est à la fois prometteuse et anecdotique. Le genre est restreint : courte distance, véhicules de capacité faible ou modeste. Cela convient tout à fait à une autorité organisatrice comme Île-de-France Mobilités, pour qui le véhicule autonome peut être utile aux parcours du dernier kilomètre. Et, ça tombe bien, les deux spécialistes français, EasyMile et Navya, sont les champions mondiaux des navettes. Une niche. Loin du mass transit.
Et pourtant, ces derniers temps, le véhicule autonome a fait une percée dans le discours politique.
À preuve, le rapport Duron, à propos des petites lignes ferroviaires, celles qu’on appelle UIC 7 à 9. Elles devraient être examinées au cas par cas, a dit Philippe Duron en présentant le travail du Comité d’orientation des infrastructures. Et il a ajouté : « Si elles ne sont plus pertinentes, on peut les conserver pour de nouveaux usages, par exemple du transport à la demande, par exemple avec des véhicules autonomes. Les coûts seraient raisonnables et cela permettrait de remédier aux problèmes d’engorgement sur les routes. » Depuis cette présentation, la politique à plus court terme a repris ses droits, et comme il n’est plus question de faire un sort aux petites lignes, le thème n’a pas pris son essor. Pas encore. À preuve encore, la présentation qu’a faite Élisabeth Borne des Assises de la Mobilité. Parmi toutes les pistes qu’elle a alors avancées, elle a bien sûr parlé du véhicule autonome. En mentionnant un exemple paradoxal. L’intérêt que le Japon porte à des véhicules qu’on voit plutôt urbains, comme les robots-taxis pour les JO, mais qui pourraient bien aussi être utiles aux populations rurales tenues à l’écart des grands courants.
La botte secrète des politiques
À l’autre bout, complètement, Jean-Louis Missika, adjoint à la maire de Paris, chargé de l’Urbanisme, de l’Architecture, du projet du Grand Paris, du Développement économique et de l’attractivité : enthousiaste, il voit déjà des trains de bus autonomes circuler sur des voies spécialisées d’Île-de-France. Plus encore, l’avenir, au-delà du véhicule autonome, sera dans « la route connectée à haut niveau de service ». Dans un entretien au JDD du 11 février dernier, il développe ses