Deux régions voient leur plan transport amputé. Elles exigent le rétablissement de leurs trains. La SNCF n’a pas assez de conducteurs.
La conjonction astrale était-elle imprévisible ? Beaucoup de départs en retraite, un recrutement qui peine à trouver de bons remplaçants parmi les jeunes candidats, des problèmes de gestion des congés en retard… argue la SNCF alignant les explications. Toujours est-il que deux régions, Nord-Pas-de-Calais – Picardie et Aquitaine – Limousin – Poitou-Charentes se plaignaient en février de voir leur plan transport amputé en raison d’un manque de conducteurs pour leurs TER. Jusqu’au 16 avril, une trentaine de circulations par jour sont rayées du tableau des départs sur 1 250 en Nord-Pasde- Calais – Picardie. Et 24 TER quotidiens aussi, jusqu’au 2 juillet cette fois, en région ALPC. Des circulations parfois remplacées par des cars qui vont beaucoup moins vite et que les associations de voyageurs craignent de voir tout bonnement prendre la place des trains. Même si à Lille le directeur régional, Jacky Lion, contraint de jongler avec les effectifs disponibles et les congés légaux à donner avant fin mars, précise à La Voix du Nord que les suppressions ne représentent que 3 % de l’offre, des trains « peu fréquentés ». Ce qui ne touche « que 0,5 % » de ses clients pendant un mois et demi. Et évidemment pas aux heures des déplacements domicile – travail. C’est en tout cas assez pour alimenter la colère de l’exécutif régional.
Vice-président Transports, Gérald Darmanin, avertissait très vite : « Si ces suppressions temporaires de trains sont confirmées, la région réclamera des indemnités à la SNCF ». En effet ces TER, ce sont les régions qui les financent. Furieux d’être placé devant le fait accompli, Alain Rousset, président de ALPC, lui aussi a tonné et menacé à l’annonce de ces suppressions « unilatérales » qui représentent 5 % des trajets de ses élus. Il lui en coûte, rappelle-t-il, 120 000 euros par an. De quoi exiger de la SNCF « le rétablissement immédiat du plan de transport » et « la mise en oeuvre d’un plan d’urgence crédible ». Sans manquer de souligner que les autres problèmes sont tels sur sa région qu’elle a déjà gelé ses paiements en rétribution de la SNCF depuis 2014. Mais le problème ne se limite pas à ces régions. On en entend parler ici ou là depuis plusieurs mois. À l’appel des syndicats CGT, SUD-Rail et CFDT, les cheminots des Alpes déclenchaient le 18 février en pleines vacances d’hiver un mouvement de plusieurs jours dénonçant eux aussi entre autres problèmes « le manque de conducteurs pour les TER ».
Il en manquerait 300 au niveau national selon ces syndicats. Jean-Aymé Mougenot, directeur adjoint TER France, en concède 100 à 200. « C’est variable selon les moments ». Mais il reconnaît qu’il y a un problème et explique : « Depuis la réforme des retraites, les cheminots peuvent ne déclarer leur intention de partir que six mois avant. Ce qui rend les projections difficiles. Nos prévisions se sont basées sur les années précédentes. Or, les départs ont été plus nombreux. » Il suffisait d’embaucher plus, fera-t-on remarquer. Mais il faut 18 mois pour former un conducteur, précise Jean-Aimé Mougenot. « On n’en a jamais autant formé depuis deux ans. Il y aura 1 000 entrées en formation cette année. Il y en avait eu pratiquement autant l’an dernier. » Mais si, expliquet- il, la conduite est un métier qui attire, sur 1 000 des candidats dont le dossier a été retenu au départ, seuls 10 seront considérés comme aptes à conduire un train. « Et pas question de transiger sur ce process très sélectif, poursuit-il. Nous recrutons niveau bac ou bac technique mais il faut avoir des dispositions manuelles tout en étant capable de mémoriser quantité procédures de sécurité. Il faut aussi franchir les tests d’aptitude physiques et psychologiques. Et c’est un métier à fortes contraintes que tout le monde ne veut ou ne peut pas faire. » Certes, mais jusqu’à quand les effets de ce que la SNCF appelle un « décalage » des formations vont-ils se faire sentir ? Jean-Aimé Mougenot promet une amélioration pour l’été. Le plan de transport dit « adapté » qu’elle a présenté « a justement été conçu pour limiter l’impact pour les régions, pour ne pas supprimer des trains n’importe où, n’importe quand », argue le directeur TER. On pourra tout de même regretter le temps de la polyvalence où il était possible d’appeler ponctuellement à la rescousse des conducteurs Fret par exemple. Un équilibrage que ne permet plus la gestion séparée des activités de la SNCF.