Les syndicats de cheminots, qui ont constaté une hausse des accidents sur les chantiers, tirent le signal d’alarme. « Depuis le début de l’année, quatre cheminots de l’Équipement sont morts dans le cadre de leur travail. L’un a été victime d’un accident sur son trajet domicile – travail et trois ont été heurtés par des circulations ferroviaires. Dans le même temps, dix-neuf cheminots ont été intoxiqués par des émanations de gaz dans le tunnel de Chantenay », rappelle Gilbert Garrel, le secrétaire général de la CGT-Cheminots, dans une lettre envoyée le 11 avril à Guillaume Pepy. La direction de l’Infrastructure reconnaît une hausse des accidents mortels depuis le début de l’année : trois en six mois alors qu’il en survient en général un par an. « C’est bien sûr toujours un de trop et c’est toujours un vrai traumatisme pour l’entreprise », souligne Xavier Ouin, le directeur de la production à SNCF Infra. « Mais cette année est atypique du point de vue des accidents mortels. En revanche, le nombre des autres accidents du travail est stable. » Une table ronde a eu lieu sur le sujet avec les syndicats le 25 mai. Des formations ont notamment été décidées. D’autres mesures ont été mises en œuvre immédiatement. Pierre Izard, directeur général de SNCF Infra, a écrit à tous les directeurs d’établissement pour qu’ils mettent en place des briefings avant tout chantier. « Cela se faisait avant, mais plus ou moins formellement. Nous demandons une présence managériale renforcée sur les chantiers pour ces debrifiengs. Par ailleurs, chaque établissement doit organiser une réunion sécurité d’ici à la fin de l’été, en s’appuyant sur différents supports et en s’appuyant sur les REX (retours d’expérience) des accidents récents », explique Xavier Ouin. La direction de l’Infra a également réalisé un document diffusé à tous les agents pour leur rappeler les règles basiques de sécurité. Les circonstances des accidents ont été analysées pour en tirer des enseignements. Les deux accidents de mars ont de nombreux points communs : il s’agissait de chantiers de nuit se passant dans un contexte bruyant. Et les agents ont tous deux été heurtés par une circulation sur la voie contiguë. « Les travaux de nuit sont plus difficiles que ceux de jour. Nous avons demandé à RFF qu’à l’occasion du travail en cours de préparation du service annuel 2014, le nombre de travaux de nuit “sans simultanée” n’augmente pas de nuit », raconte Xavier Ouin. Ce qui consiste à ne laisser passer aucune circulation sur deux voies contiguës pendant un chantier. Compliqué à l’heure où les opérateurs, eux, demandent toujours davantage de circulations et alors que certains axes ont majoritairement basculé la nuit en 2012, en particulier la liaison Tours – Bordeaux, mais aussi les axes les plus denses, l’Île-de-France et les LGV. Au-delà de ces mesures pouvant être lancées rapidement, la direction de l’Infra a décidé de mettre en œuvre une démarche « participative » plus ambitieuse baptisée « Produire chaque chantier en toute sécurité ». Elle s’inspire de ce qu’a fait Air France après le crash de l’Airbus A330 Rio – Paris en juin 2009. La direction de la compagnie aérienne avait alors fait appel à un expert externe pour réfléchir sur la sécurité de ses vols. Les pilotes et l’encadrement avaient été entendus. « Nous voulons donner la parole aux agents qui ont des observations à faire », explique la direction de l’Infra, qui s’apprête à choisir un consultant externe pour mener les débats. Elle a d’ores et déjà envoyé un questionnaire aux agents de l’Infra sur le thème de la sécurité. Fin août, une réunion avec une quinzaine de personnes devrait avoir lieu pour faire le point. En octobre-novembre, une réunion plus large devrait aussi inclure Réseau ferré de France et les organisations syndicales pour proposer des pistes. Un premier pas devrait être franchi en janvier avec l’élaboration d’une convention visant à améliorer la sécurité sur les chantiers.
Marie-Hélène POINGT
Trois accidents mortels
en six mois:
Le 29 février dernier, à Andancette (Drôme), un agent seul sur une voie a été percuté par un train alors que celui-ci avait sifflé six ou sept fois.
Le 8 mars à Toury (Eure-et-Loir), un jeune agent, embauché quatre mois plus tôt, a été percuté par un train alors
qu’il travaillait avec un collègue expérimenté et se trouvait dans l’entre-deux voies. Tous deux avaient décidé de réaliser un travail supplémentaire, mais en se déplaçant, ils n’étaient plus couverts par le périmètre de sécurité,
selon la direction de l’Infra.
Le 29 mars, entre les gares de Lyon-Part-Dieu et Lyon-Saint-Clair, à l’occasion d’une opération de ballastage, un agent qui se trouvait dans l’entre-deux voies n’a pas entendu une annonce et a été percuté.
Un dispositif de protection plus performant
De nouvelles tenues de haute visibilité vont être remises aux agents qui portent actuellement des tenues orange.
Le conducteur qui a heurté l’agent à Toury a en effet indiqué qu’il n’avait pas vu les agents sur la voie.
Un dispositif de protection actif contre le bruit va également être mis en place. Le dispositif actuel de protection, « Danitra », est ancien et lourd. Il va être remplacé par un casque actif plus performant permettant de protéger du bruit tout en laissant passer les annonces d’alertes relatives aux circulations. De plus, un système lumineux d’alerte (comme un gyrophare) pourrait doubler la trompe.
Des embauches sans précédent
Pour faire face à un programme de travaux sur le réseau sans précédent, la SNCF a embauché plus qu’elle ne l’avait fait depuis une vingtaine d’années : 1 723 agents ont été recrutés en 2011 et 1 900 embauches sont prévues cette année. Globalement, les effectifs fin 2011 sont supérieurs à ceux de la fin 2010. Actuellement, on compte 37 000 agents à SNCF Infra, dont 30 000 au sein de 54 établissements travaillent sur les chantiers. Parallèlement, la SNCF veut développer la sous-traitance. « Les travaux ont lieu un peu partout en France et le nombre d’agents mobiles reste limité », explique
Xavier Ouin. Mais la sous-traitance reste toute relative selon lui, même si sa part augmente : dans la convention de gestion passée entre la SNCF et RFF, 40 millions d’euros annuels sont prévus pour la sous-traitance sur les 2,3 milliards d’euros représentant le budget annuel pour l’entretien. Quant au recours à l’intérim dénoncé par les syndicats
(au même titre que la sous-traitance), il ne représente que quelques dizaines de personnes sur les 30 000 agents. Pour Xavier Ouin, « c’est très marginal. Comme toutes les entreprises de travaux, nous avons pourtant besoin de souplesse car nos charges de travail sont fluctuantes d’une année sur l’autre et d’une région à l’autre ».