La proposition de l’Élysée de nommer Patrick Jeantet à la direction de SNCF Réseau, reprise par un conseil de surveillance extraordinaire de l’Epic SNCF, n’est pas surprenante. Le directeur général délégué de Paris Aéroport, ancien de Keolis, était l’un des dirigeants le plus souvent évoqués pour succéder à Jacques Rapoport. Et cette fois, on ne s’attend pas à voir l’Arafer brandir son veto.
Patrick Jeantet (56 ans) devrait être le prochain président de SNCF Réseau. Un communiqué de l’Élysée du samedi 30 avril a proposé sa nomination. Proposition reprise le lundi 2 mai par un conseil de surveillance extraordinaire de l’Epic SNCF, convoqué par son président, Frédéric Saint-Geours. Le choix de Patrick Jeantet n’est pas surprenant, et son nom était l’un de ceux qui circulaient fréquemment, aussitôt connue la démission de Jacques Rapoport. La nomination du successeur de l’actuel président ne pourra intervenir qu’après son audition par l’Arafer, l’Autorité de régulation, puis par les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ce parcours doit prendre environ un mois avant la nomination. On sait, comme l’a montré dernièrement la nomination interrompue de Jean-Pierre Farandou, qu’il peut buter sur un obstacle. L’Arafer doit émettre ce qu’on appelle un avis conforme, ce qui signifie en français courant un avis auquel on doit se conformer. Les avis des parlementaires ne sont, eux, pas contraignants.
L’Arafer devait entendre Patrick Jeantet le mercredi 11 mai. Rappelons que l’Arafer avait rejeté la candidature de Jean-Pierre Farandou le 30 mars, le jour même de son audition. Ses qualités professionnelles n’étaient nullement en cause, et l’Arafer l’a souligné. Mais du fait de sa carrière à la SNCF, le régulateur avait jugé que « l’intéressé ne présente pas les garanties d’indépendance exigées » (voir l’article ci contre). On ne s’imagine pas que Patrick Jeantet puisse faire l’objet de ce même jugement. Certes, il a exercé des responsabilités importantes à Keolis, où il a d’ailleurs eu pour président Jean-Pierre Farandou. Mais cela fait deux ans et demi qu’il est directeur général délégué de Paris Aéroport (nouveau nom d’ADP). L’un des sujets qui l’ont le plus occupé à ce poste est celui dont Augustin de Romanet, président de Paris Aéroport, a fait sa priorité. C’est le CDG Express. Un projet de liaison directe entre l’aéroport de Roissy- CDG et la gare de l’Est, qui doit être réalisé par une société détenue majoritairement par SNCF Réseau et Paris Aéroport.
Diplômé de l’École polytechnique et de l’École nationale des ponts et chaussées, Patrick Jeantet a donc été auparavant, depuis février 2011, directeur général délégué France de Keolis. À Keolis toujours, il avait été directeur général adjoint puis directeur général délégué en charge de l’international. De 1997 à 2005, Patrick Jeantet a assuré les fonctions de directeur des sociétés de distribution d’eau potable et d’assainissement Manila Water Company (Philippines) et de directeur général opérations de la société International Water à Londres. Entre 1993 et 1997, il était directeur du développement international et directeur des filiales Afrique de l’Est et Australe de Sogea. De 1986 à 1993, Patrick Jeantet a occupé diverses fonctions au sein du Groupe Bouygues où il a notamment participé en tant qu’ingénieur à la construction du tunnel sous la Manche. À la tête de SNCF Réseau, Patrick Jeantet occupera un poste extrêmement difficile. On sait, depuis le premier rapport Rivier, de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, que le réseau n’est pas en très bon état ? Tout le monde, État, SNCF ont fait de sa rénovation une priorité. Mais l’effort financier est considérable, et pendant ce temps, la dette de Réseau s’accroît. Les lignes nouvelles en cours de construction y contribuent ? Qu’il s’agisse de la deuxième phase de la LGV Est, qui sera inaugurée. en juillet prochain, ou des lignes Sud Europe Atlantique, Bretagne-Pays de la Loire ou Contournement de Nîmes et Montpellier. Jacques Rapoport négociait avec l’État le plan de performances pluriannuel dont SNCF Réseau a besoin. Il nous avait avertis : « je ne signerai pas un mauvais contrat ». Faute de parvenir à un contrat qu’il jugeait satisfaisant, il a jeté l’éponge. À Patrick Jeantet d’obtenir de l’État l’indispensable visibilité.
