Marie-Guite Dufay
(présidente du conseil régional de Franche-Comté)
« Si le TGV est indispensable, il n’est pas en soi suffisant »
LVDR. Vous arrivez après d’autres sur le terreau des LGV. Quelles leçons du passé récent retenez-vous ?
Marie-Guite Dufay. Une leçon que nous avons apprise, c’est que les projets de TGV bien réussis, ceux qui ont engendré du développement, sont ceux où les TGV sont connectés au réseau TER. L’intégration des réseaux TGV et TER est un point très important. Pour cela, nous avons investi considérablement, ce qui n’était pas forcément prévu au départ, pour avoir une navette ferrée entre la gare Besançon-Franche-Comté et la gare de Besançon-Viotte. En même temps que le TGV, est arrivée la navette.
LVDR. L’accueil du TGV Est par la région Alsace, en particulier, fait-il pour vous figure de référence ?
M.-G. D. De Strasbourg, nous avons appris que si le TGV est indispensable, il n’est pas en soi suffisant. L’écueil majeur, c’est de penser que tout est fait quand l’infrastructure est financée. Car c’est en fait à ce moment que tout commence. Une fois que les collectivités se sont mobilisées, une fois qu’elles ont payé, il faut la mobilisation de tout le territoire, notamment des acteurs socio-économiques, des chefs d’entreprise… On s’est inspiré pour cela du club TGV qu’ils ont mis en place à partir de Strasbourg. Nous avons copié et créé deux clubs TGV qui doivent prendre le relais en contact direct avec la vie des territoires.
LVDR. Au-delà des déclarations d’intention, quels résultats concrets ?
M.-G. D. En fonction de leurs initiatives, des produits touristiques commencent à se mettre en place, comme les courts séjours en Franche-Comté. Et la publication d’un Guide du routard, en partenariat avec la SNCF, sur les grandes étapes du TGV Rhin-Rhône entre Paris, Lyon, Zurich et Francfort, répond directement au souhait exprimé par le club TGV de Belfort. Il y a aussi des souhaits émis qu’il reste encore à réaliser, comme la mise en place d’un lycée international. Lorsqu’il y a dans le secteur des entreprises comme General Electric, Alstom, il y a des cadres avec des familles, des enfants, qui viennent de tous les pays. Or les infrastructures d’accueil que nous pouvons leur proposer aujourd’hui sont assez faibles. Il faut donc que l’on ait au moins une section internationale d’un lycée à Belfort. Nous y travaillons avec le recteur.
LVDR. L’arrivée de TGV s’accompagne également de la fin de liaisons Corail. Comment gérer cela ?
M.-G. D. Lorsque le TGV arrive, la SNCF supprime des trains Corail à proximité. En termes de service public, c’est problématique, puisqu’un service n’est plus rendu à l’usager – le TGV ne fait pas de desserte de proximité. Du coup, la région est amenée à remplacer ce que faisaient à cet égard les Corail par des liaisons TER. Or nous n’avons pas le financement correspondant. Il y a quatre ans, un Corail a été supprimé du fait de la mise en place du TGV Est. Il concernait, en particulier, la Haute-Saône, Vesoul et Belfort… Nous avons donc remplacé les dessertes manquantes par des liaisons TER. On n’a jamais touché un centime malgré la demande que nous avons faite, au titre de la loi SRU, avec le soutien de tous les parlementaires. Cette fois-ci, en lien avec la mise en service du Rhin-Rhône, le Corail Strasbourg – Lyon est supprimé. Des liaisons vers Besançon, Lons-le-Saunier vont donc être remplacées par des TER. Verra-t-on s’appliquer ensuite la loi SRU, qui prévoit que lorsque la SNCF supprime des dessertes l’autorité organisatrice qui a mis en place une offre de substitution bénéficie d’une compensation ? Nous restons inquiets à ce sujet.
LVDR. Que doit principalement amener la LGV à la Franche-Comté ?
M.-G. D. Nous sommes la première région industrielle de France, et le TGV doit amener un nouveau développement économique important pour les entreprises déjà en place et avec les nouvelles qui vont venir. Il y a déjà de gros laboratoires de pointe dans la région, des salariés qualifiés. Besançon s’illustre dans les domaines des microtechniques, de la micromécanique, et même le bio médical avec l’e-santé, le diagnostic à distance. Belfort fait référence avec la pile à combustible et l’énergie avec General Electric, le TGV avec Alstom, Montbéliard avec le pôle du véhicule du futur et PSA Peugeot-Citroën… Ce sont des secteurs d’avenir, des réalisations technologiques d’avant-garde, pour lesquels se trouver à 2 heures de Paris et de Lyon doit permettre de faire venir plus facilement des chercheurs de renom. Et c’est essentiel. Nous avons le sentiment d’être une petite région qui s’ancre dans les valeurs du passé, le travail, la coopération pour inventer l’avenir. Souvent, en Franche-Comté, on y vient pour trouver du travail, et certains se demandent où ils arrivent. Après, souvent, ils ne peuvent plus repartir.
LVDR. Vous misez aussi sur une nouvelle clientèle touristique…
M.-G. D. La Franche-Comté peut séduire, et nous misons sur le développement du tourisme, même si nous ne sommes pas très connus pour cela. Avec L’orig!nale Franche-Comté, nous avons lancé une campagne de communication afin que des entrepreneurs, des chercheurs, des étudiants, des touristes viennent ici. C’est vrai, on ne peut pas leur garantir le soleil. Mais c’est très bucolique, avec les montagnes et les lacs, une campagne vivante, très préservée, une nature apaisante où l’on se sent bien. C’est pour découvrir tout cela, faire venir des familles que l’on a d’ailleurs organisé les courts séjours, facilités par les temps de trajet réduits. Et puis il y a la citadelle de Besançon, la chapelle de Le Corbusier à Ronchamp, en Haute-Saône, beaucoup de petites pépites à découvrir.
LVDR. Pour promouvoir tout cela, avez-vous joué tous ensemble au niveau régional ?
M.-G. D. Et même au-delà. La campagne sur l’Orig!nale Franche-Comté, nous l’avons menée avec le canton du Jura suisse. Et puis, outre la région, toutes les agglomérations y sont parties prenantes, Besançon, Belfort, Dole, Montbéliard, tout le territoire se mobilise. Car, on le sait bien, le développement lié au projet d’infrastructure ne réussit que s’il est porté de façon forte par tout un territoire. On est passé par-dessus les bisbilles, sans que certains cherchent à tirer à eux la couverture. On cherche tous à mieux se faire connaître avec l’arrivée du TGV. Et on y a tous intérêt.