Dijon regarde d’abord vers Paris
La problématique dijonnaise est sensiblement différente de celle des autres villes concernées par la branche est de la LGV Rhin-Rhône. Ceci pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la ligne actuelle TGV Dijon – Paris satisfait pleinement les usagers avec un trajet direct de 1h40. Ensuite, historiquement, Dijon s’est beaucoup plus tourné vers Paris que vers l’est. La nouvelle ligne devrait avoir tendance à équilibrer un peu mieux les choses, mais l’attrait de Paris pour les Dijonnais restera très important. La future branche ouest qui traversera la capitale bourguignonne permettra toutefois un rapprochement significatif avec Besançon. Sur ce plan, Jean-Louis Fousseret, maire de Besançon, a annoncé le 14 mai lors des « 2e Rencontres de la grande vitesse » la signature le même jour d’un accord-cadre entre les CHU de Besançon et de Dijon qui marque d’une pierre blanche l’avenir de ces deux établissements bientôt unis en un vaste pôle hospitalier sud du Grand Est. Ce contrat va favoriser l’émergence et le développement de projets communs portant sur les activités de soins, les partenariats avec les universités, le développement de la recherche et de l’innovation ou encore le partage d’expérience sur les procédures administratives et les fonctions support. Distants de 100 km, mais parcourus en 40 minutes dès 2011 avec la future LGV, les établissements intégreront dans leur organisation les effets bénéfiques de ce rapprochement territorial. Le projet de traversée de l’agglomération dijonnaise consiste en une première section de la branche ouest de la LGV Rhin Rhône, entre Genlis et Turcey. Il présente plusieurs objectifs : en tant que tronçon central de la branche ouest, la traversée de l’agglomération dijonnaise s’inscrit dans une volonté de maillage du réseau français et européen à grande vitesse. Sa position à proximité de la convergence des trois branches de la LGV placera Dijon dans une position de carrefour européen de la grande vitesse. Pour répondre à la décision convergente de tous les acteurs impliqués en 1997, le projet traverse l’agglomération dijonnaise au lieu de la contourner, cela en prévoyant toutefois la création d’une gare nouvelle urbaine dans Dijon. Un véritable pôle multimodal y sera conçu, permettant de diffuser l’effet de la grande vitesse à l’échelle locale, notamment grâce à des correspondances efficaces avec les transports urbains et régionaux. Un pôle urbain fort sera prévu par avance autour de cette gare, dans une logique d’aménagement durable de l’agglomération. Dijon est un des nœuds les plus importants du réseau français, avec son étoile à cinq branches et son complexe fret de grande dimension (Perrigny, Gevrey). De ce fait, il est confronté à des problématiques de fonctionnement qui risquent de rendre plus complexe encore son exploitation dans les années qui viennent. La réalisation du projet permettra d’améliorer la desserte des voyageurs et de mieux utiliser les voies existantes pour les TER et le transport périurbain. Elle sera également l’occasion de rechercher de nouvelles formules pour améliorer la circulation du fret.
Dole va perdre son privilège
La ville jurassienne chère à Dominique Voynet fait partie des grandes perdantes dans ce dossier. En effet, en décembre 2011, les TGV ne s’arrêteront plus à Dole, hormis les TGV Lyria qui couvrent Paris – Lausanne. Dans ce contexte, difficile d’être optimiste, d’autant que le Jura subit durement la crise économique (lunetterie, injection plastique, filière du bois, tourisme). Comme le précise Claude Chalon, président de la communauté d’agglomération du Grand Dole, il est intéressant de rappeler que la création de l’autoroute A39 avait eu un effet ventilateur sur la population doloise, permettant aux habitants d’aller travailler plus loin, mais créant une forme d’exode, contre lequel les élus locaux doivent lutter… La presque suppression des passages des TGV risque également de dépeupler la petite ville jurassienne pour cause d’enclavement.
Besançon va-t-elle bouder sa gare ?
La nouvelle gare Besançon Franche-Comté TGV, située à 15 km au nord de Besançon, présente avant tout la nécessité de revoir totalement le transport au sein de la capitale comtoise. Fini le temps où l’on prenait son TGV à 5 minutes à pied du centre-ville à la gare Viotte. Pour rejoindre la future gare, il sera nécessaire d’emprunter une navette ferroviaire depuis la gare Viotte, via une ancienne ligne dont les travaux de rénovation viennent de commencer (Besançon Viotte – Devecey). Temps de trajet ? Comptez 20 minutes… Des bus Liveo assureront également la liaison, mais il est possible qu’à certaines heures, il faille plus de temps… Autant dire que les Bisontins ont vite fait le calcul. Si l’on prend l’exemple d’un trajet Besançon – Paris qui est annoncé en 1h40 et que l’on ajoute les 20 minutes de navette (plus si c’est un bus) cela fait deux heures. Actuellement le trajet direct dure 2h30. Prendre une navette pour au final ne gagner qu’une demi-heure et cela au prix d’un billet qui a toutes les chances d’augmenter, ce n’est pas très engageant… Ça l’est encore moins pour les petits trajets (Besançon – Dijon, Besançon – Mulhouse) pour lesquelles on devra passer autant de temps en transfert qu’en TGV ! A deux ans de l’ouverture de la ligne, la zone d’activité économique de 10 ha qui jouxte la nouvelle gare n’intéresse pas les entreprises bisontines, ni celles venant de l’extérieur, car la crise touche directement les PME locales qui, pour beaucoup, vivent de la sous-traitance automobile. Les CHU de Besançon et Dijon jouent le jeu en ayant signé un accord-cadre de partenariat qui a pu voir le jour grâce à la LGV. Les Bisontins se posent encore beaucoup de questions sur les avantages qu’offrira la LGV et acceptent difficilement de ne plus pouvoir prendre leur TGV en centre-ville, avec un trajet direct, certes un peu plus long, mais beaucoup plus confortable.
Vesoul veut voir la grande vitesse
Département rural par excellence, la Haute-Saône a longtemps été le parent pauvre de la Franche-Comté : aucune autoroute, quelques rares tronçons de voies express, des milliers de camions qui circulent chaque jour sur des routes nationales, aucune ligne ferroviaire à grande vitesse. Voici pour le bilan. Autant dire que le projet de la LGV Rhin-Rhône est apparu comme la divine providence aux yeux de nombreux Haut-Saônois. Car la gare Besançon Franche-Comté TGV est située au nord du département du Doubs, à 5 km au sud du département de la Haute-Saône, ce qui permettra aux Haut-Saônois d’accéder plus facilement aux villes voisines. C’est donc incontestablement un progrès pour ce département, qui pour l’occasion s’est vu attribué par le contrat de projets Etat/région Franche-Comté de quoi moderniser son réseau routier avec la création de plusieurs voies rapides. Un service de bus Liveo sera mis en place depuis Vesoul jusqu’à la gare Besançon Franche-Comté TGV. Le sénateur Yves Krattinger a bien compris l’intérêt que représente cette gare pour son département. L’aménagement à moyen terme de la ligne ferroviaire Vesoul – Besançon pourra proposer une navette pour rejoindre la gare, mais rien n’est encore décidé à son sujet.
Montbéliard/Belfort, un véritable désenclavement
Pôle industriel majeure dans l’est de la France avec Peugeot, Alstom et des centaines de PME, cette zone est un véritable patchwork d’agglomérations qui s’étend sur près de 30 km (Sochaux, Montbéliard, Mandeure, Audicourt, Belfort, etc.). Il est donc logique qu’une gare TGV ait été prévue sur ce secteur. La gare TGV de Meroux accueillera dès son ouverture un trafic annuel d’environ 1,1 million de passagers, ce qui la place d’emblée dans la première moitié des gares TGV françaises les plus fréquentées. Une trentaine de TGV sont prévus chaque jour, notamment vers les centres de décisions européens que sont Paris (en 2h20), Lyon, Zurich, Francfort, Strasbourg mais aussi vers Dijon, Marseille, Nice et même Barcelone. La gare sera alors un véritable pôle d’échange multimodal. Cet espace sera divisé en deux avec au nord la gare et les services et au sud un vaste parking longue durée de 1 300 places. Au nord, près de la gare TGV/TER, se trouveront un parking courte durée d’une capacité de 150 places, un dépose-minute pour les voitures, une station de taxis, un parking de locations de voitures et la gare routière. La future gare offrira des services d’attente au voyage, de restauration, de presse, avec un soin particulier dans l’articulation avec les autres transports, régionaux et locaux. Enfin, elle mettra en œuvre les équipements conformes aux nouvelles normes pour l’accueil et le confort des personnes à mobilité réduite. Le projet de LGV Rhin-Rhône et le positionnement d’une gare TGV à Meroux ont amené à étudier l’opportunité de la réouverture de la ligne Belfort – Delle dans le cadre du contrat plan Etat-région. Cette étude d’opportunité a montré qu’en plus du rabattement vers la LGV pour les communes françaises (de Lure à Delle) et suisses (jusqu’à Bienne), la ligne pourrait également jouer un rôle dans la desserte de l’agglomération belfortaine. La Suisse a d’ores et déjà annoncé sa volonté de participer à hauteur de 20 millions de francs suisses (13,2 millions d’euros) pour les travaux sur le territoire français. Le taux de participation de l’Etat français pour cette opération est fixé à une valeur de l’ordre de 25 %. Aucun doute que la future gare soit un succès, car Montbéliard et Belfort ont toujours souffert d’une position très excentrée.
Mulhouse/Bâle, du mieux en attendant la deuxième tranche
Le tronçon qui concerne la ville de Mulhouse concerne la seconde tranche des travaux. La première tranche de la LGV s’arrête à hauteur de Petite Croix, dans le Territoire de Belfort. Pour rejoindre Mulhouse, le TGV Rhin-Rhône empruntera sur près de 40 km le réseau classique et circulera à 140 km/h, dans l’attente de la réalisation de la deuxième tranche entre ces deux localités, fortement attendue par la CCI Sud Alsace Mulhouse. Son atout est d’offrir à Mulhouse une double desserte nord-sud (sur un axe Francfort – Mulhouse – Lyon – Marseille) et est-ouest (Zurich – Bâle – Mulhouse – Paris). A cette échéance (2011), Mulhouse se trouvera ainsi à environ 2h45 de Paris et de Lyon. L’aboutissement du projet global devrait ensuite permettre aux voyageurs au départ ou à destination de Mulhouse de gagner une demi-heure supplémentaire sur l’ensemble des relations desservies. Dès sa mise en service à l’horizon 2011, concomitante à la réalisation du raccordement court de Mulhouse, Strasbourg sera à environ 3h (contre 4h45 en 2005) et Mulhouse à 2h25 de Lyon (contre 3h45 en 2005). On attend donc beaucoup du TGV Rhin-Rhône, même s’il faudra patienter sans doute quelques années supplémentaires pour bénéficier de la grande vitesse sur toute la ligne. Comme Dijon à l’opposé, Mulhouse se trouve à un carrefour avec d’un côté la Suisse (Bâle et Zurich), l’Allemagne voisine et les grandes villes françaises à l’ouest. De bonnes raisons pour que ce carrefour soit doté des meilleurs équipements.