Des centaines de rames de trains contenant de l’amiante pourraient perturber l’ouverture à la concurrence des TER. Christophe Coulon, vice-président chargé des transports dans les Hauts-de-France, a exprimé ses préoccupations concernant une réglementation européenne de 2006 qui n’aurait pas été anticipée.
« C’est une directive européenne, Reach, qui interdit la cession de biens contenant de l’amiante », a-t-il déclaré. Cette directive affecte des trains anciens que la SNCF ne peut pas céder. « Or, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, nous devons mettre à la disposition de l’opérateur retenu les trains qu’il va devoir exploiter. »
« Rien n’avance »
L’Etoile d’Amiens, déjà mise en concurrence par les Hauts-de-France, n’est pas concernée. Cependant, l’Etoile de Lille l’est, avec une quarantaine de trains contenant de l’amiante, selon Christophe Coulon. La région prévoit d’ouvrir ce lot à la concurrence en 2028. Remplacer ces trains coûterait un milliard d’euros, avertit l’élu LR. « Des centaines de rames sont concernées en France. »
Le règlement Reach, un texte de 2006 appliqué en France depuis 2011, interdit à un opérateur de céder du matériel contenant de l’amiante, même si celui-ci ne présente aucun danger pour le personnel et les passagers. « Cela fait trois ans que nous avons identifié ce sujet et que rien n’avance », se plaint Christophe Coulon. « Depuis 2021, nous avons demandé à l’Etat de se prononcer mais nous n’avons jamais eu de réponse ! »
Benoît Simian, alors député, avait déjà posé la question en 2019 concernant l’amiante dans les voitures Corail. Le gouvernement avait répondu qu’un désamiantage total, très coûteux, serait nécessaire pour transférer ou louer ces trains à un autre opérateur. Les autres solutions seraient l’acquisition de matériels neufs ou d’occasion sans amiante, ou la location auprès de loueurs de matériel ferroviaire.
Réglementation européenne
La France n’ayant pas demandé de dérogation, le règlement Reach empêche la SNCF de céder ses vieux TER contenant de l’amiante aux régions ou à des concurrents. L’Etat reste silencieux, et les régions sont peu loquaces. « C’est un sujet qui relève de l’application du droit. SNCF Voyageurs est tenue de se conformer à la réglementation européenne », indique sobrement l’opérateur historique.
Cette situation « peut constituer un frein pour l’ouverture à la concurrence », s’inquiète l’Autorité de régulation des transports (ART). « Les appels d’offres régionaux pourraient rester inaccessibles aux nouveaux entrants ferroviaires, ces derniers ne disposant pas de matériel roulant adéquat en raison des coûts et délais de fabrication des équipements neufs et de l’absence de marché de seconde main pour des matériels exempts d’amiante », ajoute-t-elle.
L’ART souhaite agir avec les autorités organisatrices, l’Etat et la Commission européenne pour identifier des leviers juridiques et lever les risques de distorsion de concurrence entre l’opérateur historique et les entreprises ferroviaires alternatives. En d’autres termes, demander une dérogation à Bruxelles pour permettre l’ouverture des TER à la concurrence, quel que soit le matériel utilisé.