Après cinq années d’exploitation déficitaire de la ligne Strasbourg – Roissy-Charles-de-Gaulle, Air France a basculé son exploitation sur le rail. Depuis le 2 avril, la desserte s’effectue en TGV « Air & Rail », un service imaginé pour Strasbourg, sur la base de l’expérience enregistrée depuis une décennie sur la desserte Paris – Bruxelles. « Nous achetons 95 000 sièges par an à la SNCF, en voitures première classe, répartis entre quatre dessertes TGV quotidiennes, explique Thierry de Bailleul, directeur régional France Est chez Air France. Avec ses 140 000 passagers annuels, l’exploitation aérienne figurait parmi les lignes intérieures dont les recettes unitaires étaient les plus faibles. Strasbourg – Roissy-Charles-de-Gaulle perdait 10 millions d’euros par an depuis cinq ans, avec la concurrence du TGV Est. L’avion n’est plus compétitif dès lors que le transport terrestre passe sous les 2 heures 45. Sur Bruxelles, un service comparable achemine 250 000 passagers annuels », observe Thierry de Bailleul. Le trajet entre Strasbourg et Roissy s’effectue en 2 heures 30. Il passera à 1 heure 50 en 2016, avec la mise en service de la deuxième phase de la LGV Est.
Les blocs négociés par Air France correspondent, en moyenne, à 36 à 43 sièges par train, répartis entre une ou deux voitures de queue dans les TGV. La SNCF a renforcé sa desserte sur Strasbourg – Roissy, passant de trois à quatre trains par jour. En cas de forte affluence, la compagnie aérienne aura accès à des sièges supplémentaires renégociés. « Nous payons les 95 000 sièges quoi qu’il arrive, même si nous ne les occupons pas tous. En cas de forte affluence, nous n’entrerons pas dans le système de réservation de la SNCF. Et nous renégocierons les volumes une fois par an », précise Thierry de Bailleul.
Les passagers sont pris en charge par Air France, sous sa responsabilité, sur l’intégralité du trajet, y compris en cas de retard. Les billets Strasbourg – Roissy-Charles-de-Gaulle ne seront vendus qu’aux passagers en préacheminement vers des vols en correspondance, moyens ou longs courriers. Air France perd, au passage, environ 45 000 passagers qu’elle acheminait de point à point entre Strasbourg et Paris ou le nord de la région parisienne. Le service proposé inclut un guichet d’accueil dédié en gare de Strasbourg, installé dans un local de 120 mètres carrés. Trois agents d’escale, déplacés de l’aéroport de Strasbourg vers la gare, délivrent le titre de transport et assurent le préétiquetage des bagages. Le concept de « prise en charge » des bagages proposé par Air France s’avère plus restrictif que prévu : il se limite au transport des valises sur quelques dizaines de mètres entre le guichet Air France et la porte du TGV. Arrivés en gare à Roissy, les passagers transportent eux-mêmes leur valise jusqu’au poste drop-off du comptoir d’enregistrement aérien, situé au terminal 2E (huit à dix minutes de marche) pour la plupart des vols en correspondance.
Pour les clients, peu nombreux (neuf personnes) sur le premier TGV début avril, le nouveau service n’a pas été ressenti comme une amélioration. Certains voyageurs ont pointé le manque d’information sur le départ de Strasbourg. « Le code IATA sur le billet, qui diffère entre l’aéroport et la gare (SXB et XWG, ndlr), est un indice pour les spécialistes. Je ne m’en suis aperçu qu’à deux jours du départ », observe l’un d’eux. « Mon vol retour, opéré via Toulouse, se posera à l’aéroport de Strasbourg-Entzheim. Où vais-je récupérer ma voiture ? » s’interrogeait ce même homme d’affaires.
Olivier Mirguet
Polémique politique à Strasbourg
Depuis la mise en service du TGV Est, en juin 2007, l’aéroport de Strasbourg-Entzheim (1,16 million de passagers) a perdu près de la moitié de ses clients. Les collectivités territoriales, actionnaires de la société d’exploitation aéroportuaire, ont réagi en 2012, en subventionnant la baisse des taxes à raison de sept euros par passager, à titre provisoire. Fin mars, les élus strasbourgeois ont récidivé, augmenté leur contribution et ramené la taxe à cinq euros par billet. Soit 3,4 millions d’euros de subventions, réparties jusqu’en 2016. « Strasbourg est devenu l’aéroport le moins cher de France métropolitaine », observe Catherine Trautmann, ancien maire (PS) de Strasbourg, élue communautaire en charge du développement économique. Résultat, de nouveaux opérateurs aériens sont arrivés, comme Volotea, compagnie low-cost espagnole, qui exploite depuis Strasbourg trois lignes transversales vers Bordeaux, Montpellier et Nantes. Ryanair a signé son retour fin mars, avec deux lignes ouvertes vers Londres et Porto, et devait annoncer le 10 avril l’ouverture de lignes supplémentaires. Jean-Jacques Gsell, adjoint au maire de Strasbourg en charge du tourisme, du commerce et de l’artisanat, a critiqué « les avions à hélices minables d’Air France au départ de Strasbourg » : la compagnie opère sur certains vols transversaux sous la bannière « Hop » et sur la ligne d’Orly des turbopropulseurs ATR-72.
Thierry de Bailleul a salué « l’initiative de baisse de taxes » prise à Strasbourg, mais rappelé que « cette baisse survient après une hausse de 44 % entre 2007 et 2012 ». Et demandé aux élus locaux d’« arrêter de dénigrer » sa compagnie, qui représentait encore, l’année dernière, 85 % de l’activité à Entzheim.
O. M.