« Nous avons dû reconfigurer totalement notre métier d’exploitant et refondre nos processus de fabrication des trains pour ajouter 100 trains aux 1 100 existants. Il a fallu réorganiser les rotations de matériel, les garages des trains, la maintenance de l’infrastructure », explique Gilles Cheval. Selon le directeur délégué TER Rhône-Alpes à la SNCF, la principale difficulté à résoudre était liée à l’accès aux grandes gares, en particulier Lyon-Part-Dieu, Lyon-Perrache, Grenoble et Chambéry, qui représentent chacune des « socles de fabrication des trains ». Or, les voies de ces gares sont déjà confrontées à de sérieux problèmes de saturation. « Il a fallu faire des contorsions pour gagner de la place », raconte-t-on à la SNCF. Dans le jargon cheminot, on parle de « diamétralisation », une technique qui consiste à limiter le nombre « d’origines-destinations ». En clair, à faire assurer par un seul train une liaison plus longue : par exemple un Chambéry – Lyon et un Lyon – Saint-Étienne se font désormais avec le même train (qui ne s’arrêtera que quelques petites minutes à Lyon) alors qu’auparavant on aurait utilisé un train différent pour chacune des deux liaisons. Cette technique permet d’occuper moins longtemps les voies des quais et de ne pas les saturer. La SNCF fait aussi face à ce problème de saturation sur les voies de remisage des trains et entre les sites de remisage. « Nous avons lancé quelques investissements pour que les trains qui sortent des chantiers arrivent à l’heure pour assurer leur service. Par exemple, nous sommes en train de compléter des voies de remisage du site de Brotteaux à proximité de Lyon-Part-Dieu », précise Benoît Descouvrières, chargé de l’exploitation et de la gestion du réseau à RFF Rhône-Alpes.
Aujourd’hui encore, l’équilibre reste fragile car les gares ne sont pas adaptées à ce type de fonctionnement avec des trains qui circulent en permanence. « Il y a des trains tout le temps. Nous n’avons donc plus d’espaces de respiration. En cas d’aléas, il est très difficile de récupérer », explique Gilles Cheval. Solution de dernier recours : la suppression de trains. En Rhône-Alpes, le nombre de suppressions de trains a sensiblement augmenté. Il est passé de 0,8 % avant le cadencement à 1,4 % désormais. La SNCF reconnaît enregistrer des plaintes à ce sujet, mais elle estime qu’en prenant cette décision, elle pénalise moins de clients (uniquement ceux du train supprimé) que tous ceux qui le seraient en cas de perturbations en cascade.
Et elle en tire un enseignement : « Le cadencement est un système efficace, qui suscite un niveau de dialogue et de partenariat initié par le conseil régional au niveau des comités de ligne. Mais aussi un dialogue entre les trois parties, SNCF, RFF et région, qui permet de partager la complexité du système ferroviaire. » Une analyse partagée par RFF pour qui le rôle des autorités organisatrices des transports (AOT) est déterminant : « Dans cette relation tripartite, il faut un véritable engagement et une volonté de changement. L’appui politique des AOT et la forte concertation qu’elles doivent conduire sont essentiels pour convaincre les voyageurs très attachés à leurs habitudes et à leurs horaires de train du bien-fondé du cadencement. »
Marie-Hélène POINGT