Chaque année, fin août, les mordus de chemin de fer de Oignies dans le Pas-de-Calais présentent au public leurs trains historiques restaurés, dont la Super Pacific 3.1280 Nord de 1931, vestige de l’ancienne Compagnie du chemin de fer du Nord. Visite guidée.
Dans le Pas-de-Calais, à Oignies, le carreau de la fosse n°2 des mines de Oignies, un ancien site d’extraction de charbon, abrite le centre Denis Papin (du nom du savant réputé pour ses travaux sur la machine à vapeur au XVIIe siècle). Le lieu raconte de manière vivante l’histoire industrielle du Nord- Pas-de-Calais à travers trois entités muséales : le Musée de la mine, l’Association pour la conservation des ambulants postaux ferroviaires et le Centre de la mine et du chemin de fer (CMCF), créé en 1993. Depuis près de trente ans, ce dernier préserve, restaure et met en valeur le patrimoine ferroviaire de l’ancienne Compagnie du Chemin de fer du Nord qui appartenait à la famille de Rothschild : des locomotives électriques, diesel, à vapeur, des voitures voyageurs et des wagons. L’objectif ? « Faire agréer ce matériel historique pour lui permettre de rouler et faire découvrir les régions de France aux touristes, avec le charme des trains anciens », explique Laurent Gosselin, responsable de l’atelier Restauration Matériel Réel du CMCF.
2 500 visiteurs en deux jours
Ce projet et bien d’autres ont été présentés au public lors du festival de la vapeur que le CMCF organise tous les ans à la fin du mois d’août. Cette année, c’est une ancienne allège postale qui servait de hall d’accueil et une cinquantaine de bénévoles s’étaient mobilisés pour guider les visiteurs. « Nous avons accueilli 2 500 personnes, soit une hausse de 25 % par rapport à l’année précédente », indique Philippe Lefebvre, président fondateur, qui n’était pas peu fier de dévoiler la Super Pacific en cours de restauration, exposée au côté d’autres matériels historiques.
C’est en effet l’un des trésors ferroviaires du CMCF : la Super Pacific 3.1280 Nord (devenue 231 C 78 lors de la création de la SNCF) a été construite en 1931 selon les plans de l’ingénieur Marc de Caso, dans l’usine Cail, située non loin de Oignies, à Denain (Nord). Elle est l’ultime rescapée d’une série de 90 locomotives et un exemple de l’expérimentation d’un carénage aérodynamique*, couleur chocolat – le coloris de la livrée des domestiques de la famille Rothschild.
Le train de la famille royale d’Angleterre
« Ces locomotives étaient capables de performances exceptionnelles, d’où leur surnom de Super Pacific », raconte Laurent Gosselin. « La Super Pacific 3.1280 Nord pouvait remorquer des trains de 600 tonnes à plus de 120 km/h, une véritable performance à l’époque ! Elle a roulé en tête de trains prestigieux sur le réseau Nord comme, par exemple, La Flèche d’Or, L’Etoile du Nord… » Le 11 octobre 1936, c’est elle qui a tracté le premier train spécial Night Ferry permettant une liaison Paris-Londres et retour de nuit, sans transbordement. Autre fait d’armes de la machine, et pas des moindres : en 1938, elle a assuré le train royal qui amenait les souverains britanniques en visite à Paris dans le cadre de l’Entente cordiale. Affectée aux dépôts de Calais et d’Amiens, la Super Pacific 3.1280 Nord a parcouru environ 1,3 million de kilomètres en trente ans. Elle a terminé sa carrière à Paris-La Chapelle, où elle fit ses derniers tours de roues en 1958. Radiée des effectifs en 1961, elle a été confiée (par convention) par la SNCF au CMCF. Une fois sa restauration terminée, y compris avec sa livrée d’origine (couleur chocolat), elle sera opérationnelle « pour tracter une rame touristique exclusivement composée de matériel Nord », annoncent Philippe Lefebvre et Laurent Gosselin.
* Un timbre-poste fut spécialement émis lors du 13e Congrès international des chemins de fer en 1937, pour commémorer ce carénage. Ce dernier fut abandonné à la création de la SNCF en 1938, car il compliquait la visibilité du mécanicien et la maintenance de la locomotive.
Cet article est tiré du numéro 3906 de La Vie du Rail.
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