Pour le grand public suédois, les premiers mois de l’année 2010 auront été marqués par les dysfonctionnements liés à l’interminable hiver, mis en exergue par les tenants du « c’était mieux avant ». « Avant », c’était il y a plus de vingt ans, quand les hivers « étaient encore des hivers », comme en 1985 et 1987. « Avant », il y avait deux fois plus de personnel, au sein d’une entreprise intégrée. Car, avant 1988, l’infrastructure et l’exploitation du réseau ferré suédois étaient sous la responsabilité des SJ (Chemins de fer de l’Etat). Mais, depuis 1988, le paysage a bien changé. Après les nombreux départs des années 1990, une nouvelle génération de cheminots est arrivée, qui a essentiellement connu des hivers doux, au cours desquels les plus gros problèmes ont été les chutes de pins sur les voies et les caténaires lors des grandes tempêtes de 2005 et 2007. Parallèlement, les robustes trains classiques, dont certaines voitures et locomotives remontaient aux années 1930, ont cédé la place à de modernes rames pendulaires ou automotrices, dont les portes coulissantes, la chaîne de traction ou les toilettes peuvent être sensibles aux conditions hivernales. Enfin, le trafic ferroviaire a connu depuis 1988 une remarquable progression, en offre et en demande : deux fois plus de voyageurs, ce sont deux fois plus de mécontents en cas de problème…
Beaucoup moins remarqué, en ce début d’année 2010, le grand événement institutionnel du secteur ferroviaire suédois est la création, le 1er avril, d’une nouvelle administration des transports, Trafikverket, qui reprend, entre autres, les activités de Banverket, le gestionnaire du réseau ferré national suédois. Une démarche dans laquelle la Suède a pour une fois été précédée par un pays, la Finlande, en janvier 2010.
Presque vingt-deux ans après sa création, Banverket a vécu, après avoir été la première étape du modèle suivi en Europe dans le domaine institutionnel ferroviaire. Mais cette disparition ne s’est pas faite dans le sens prévu par les critiques, qui laissaient entendre que, tôt ou tard, on reviendrait à une organisation intégrée. Bien au contraire, puisque la gestion des infrastructures ferroviaires est maintenant prise en main par le même organisme que celui des routes et, à terme, des ports et aéroports : le chemin de fer devient un transport « comme les autres ». Par ailleurs, si le secteur privé est appelé à se développer sur les rails, cette nouvelle organisation est tout sauf une privatisation du réseau ferré : l’Etat s’en trouve plus directement responsable du réseau ferré national. Officiellement « pour gérer les transports de manière plus efficace et plus durable, avec une vue d’ensemble ».?Mais également en vue de réaliser des économies dans l’organisation du nouvel ensemble, qui sera le plus important investisseur de Suède.
Infrastructures : l’investissement est de retour
Rapportés aux 154 ans d’existence du réseau ferré suédois, les vingt-deux ans d’existence de Banverket laisseront des traces, dans le sens positif du terme.
Concrètement, un voyageur qui retrouverait les chemins de fer suédois pour la première fois depuis les années 1980 ne reconnaîtrait pas la scène. Sur la façade de la gare, les initiales SJ ne trônent plus au-dessus de l’entrée, mais un petit panneau discret à hauteur des yeux indique que cette gare appartient à « Jernhusen » et liste les différentes entreprises ferroviaires dont les trains marquent ici l’arrêt. On y retrouve souvent « SJ », mais pas toujours. À l’intérieur de la gare, l’aménagement est moderne et confortable, mais les guichets y ont peut-être disparu, la vente des billets sur place étant en ce cas sous-traitée à un commerce ou assurée par des automates. Vers les différents quais, rehaussés et équipés d’une signalétique dernier cri, des passerelles couvertes ou des souterrains, accessibles par ascenseur, ont remplacé les dangereux passages planchéiés sur les voies. À l’exception des rames tractées, composées de voitures des années 1980 rénovées une ou deux fois, des trains pendulaires X 2000, des automotrices rapides à un ou deux niveaux et des autorails à faible niveau d’émissions assurent de fréquents départs à intervalles réguliers. En ligne, le train file jusqu’à 200 km/h sur les rails soudés des lignes principales, où les cahots, les sonneries des passages à niveau et les attentes pour croisement ne sont plus qu’un souvenir. Bienvenue au XXIe siècle !
Sans être vraiment vétustes, les chemins de fer suédois des années 1980 étaient pour l’essentiel surannés : à quelques améliorations près, les normes des années 1930 étaient de rigueur sur les infrastructures – du moins pour celles qui avaient survécu aux fermetures massives des années 1960. Très en avance question électrification (débuts en 1915, mise sous caténaires du triangle Stockholm – Göteborg – Malmö entre 1926 et 1937), le réseau suédois présentait de nombreuses courbes et une majorité de voies uniques. De quoi décourager des pointes supérieures à 130 km/h ou des moyennes de plus de 100 km/h ! « Il ne faut pas oublier que la situation des SJ?était un reflet de la politique des décennies précédentes, pendant lesquelles on a surtout investi dans les routes » rappelle un ancien cadre des SJ .
Face à un transport aérien démocratisé et à des autoroutes gratuites, le rail suédois était condamné à une mort lente, même si son déclin avait été enrayé par une campagne de prix bas en 1979. Il fallait investir pour moderniser ou développer le réseau, ce qui était hors de portée des SJ, administration à but commercial. En revanche, une administration chargée des infrastructures d’intérêt public saurait plus facilement financer et étaler ces frais dans le temps, les trains payant alors une redevance pour leur utilisation de la voie. Cette administration des infrastructures ferroviaires, Banverket, a donc vu le jour en juillet 1988, libérant les SJ d’un gros fardeau.
Techniquement, le bilan de Banverket est éloquent : les améliorations envisagées du temps des SJ ont été poursuivies (modernisation de l’électrification, balises ATC de contrôle de vitesse, commande centralisée, traverses béton, GSM-R en attendant ERTMS…) mais, en outre, plusieurs centaines de kilomètres de lignes ont été rectifiées, mises à double voie, débarrassées de leurs passages à niveau ou ponts mobiles, voire totalement reconstruites avec ponts et viaducs si nécessaire. À ces modernisations s’ajoutent depuis 1995 les lignes nouvelles aptes à 200 km/h, la prochaine étant celle de Botnie (190 km) en août 2010. Si l’essentiel de ces lignes nouvelles sont construites sous l’autorité de Banverket, souvent avec le concours des collectivités locales (de l’étude au financement), la ligne pour la liaison aéroportuaire Stockholm – Arlanda a été réalisée par un PPP, alors que la partie suédoise du lien fixe de l’Öresund est propriété d’un consortium partagé entre les gestionnaires des réseaux routiers et ferrés danois et suédois. Sur les 11 028 km du réseau ferré suédois, Trafikverket n’en reste pas moins gestionnaire de 9 830 km. Outre deux lignes techniquement isolées dans la banlieue de Stockholm, la plus grande ligne à statut particulier est Inlandsbanan (1 091 km), qui appartient à un syndicat intercommunal.
Concurrence : arrivée progressive des nouveaux entrants
Un autre changement visible introduit par la réforme des chemins de fer suédois est la reprise en main des trains régionaux par les collectivités locales. Avec comme résultats des réouvertures de lignes et de gares, l’apparition de titres multimodaux, une meilleure coordination entre trains et autres modes de transport… mais aussi la concurrence entre exploitants au gré des appels d’offres.
Depuis 1990, les autorités organisatrices, émanant des conseils généraux, des communes ou d’associations entre collectivités, ont le droit de lancer des appels d’offres pour l’exploitation des trains régionaux. Dès 1990, le transporteur routier BK remporte le premier contrat perdu par les SJ : 511 km de lignes desservies par 20 autorails pour le compte des trois départements du Småland. Au cours de la décennie suivante, les SJ réussiront à se maintenir sur la plupart des trains régionaux, tout en reprenant certains marchés perdus.
En 1993, un deuxième marché s’ouvre à la concurrence : les relations « déficitaires », c’est-à-dire les lignes interrégionales ou transversales, ainsi que les trains de nuit vers le grand Nord. Depuis 1999, l’autorité organisatrice de ces relations est l’agence Rikstrafiken (« Transport national »), dont la mission est d’assurer la coordination et le développement du réseau de transports de voyageurs dans toute la Suède. Cette agence, qui dépend du ministère de l’Économie, attribue au terme d’appels d’offres l’exploitation des relations déficitaires, par rail (contrats avec les exploitants ferroviaires ou conventions avec les autorités organisatrices départementales) ou par air, mer et autocar.
La concurrence est devenue beaucoup plus forte autour de l’an 2000, avec l’arrivée de nouveaux entrants, qu’ils soient suédois (l’entreprise privée Tågkompaniet, aujourd’hui reprise par les NSB, chemins de fer norvégiens de l’Etat) ou français (Keolis, initialement en consortium avec BK, et Connex – aujourd’hui Veolia – qui a pris pied en rachetant l’autocariste suédois Linjebuss). Depuis, les groupes britanniques ont fait leur apparition (Arriva en 2007, suivi de First en 2009, en consortium avec les DSB, chemins de fer danois de l’Etat) et c’est en Suède que la DB exploitera en décembre prochain son premier train régional hors d’Allemagne. Toujours sur rail, même s’il ne s’agit pas strictement de trains, notons que MTR, de Hong Kong, a pris à Veolia l’exploitation du métro de Stockholm en 2009.
Veolia a fait œuvre de pionnier dans un autre domaine : concurrencer l’entreprise historique SJ sur les trains grandes lignes. Après le « train du défi » pour les vacances de février 2008 et les trains d’été vers le grand Nord, le groupe français a été le premier à lancer un train régulier privé entre Stockholm et Malmö, dès juillet 2009, c’est-à-dire lorsque le monopole SJ est tombé pour les week-ends. L’ouverture totale des grandes lignes attendra octobre 2010.
Qui dit train dit matériel roulant. Cher et plus long à amortir que des autocars, ce matériel est rarement la propriété des entreprises exploitant les services pour le compte des autorités organisatrices ; ces dernières ont donc mis sur pied Transitio, une entreprise de financement des nouvelles rames et de la construction de leurs centres de maintenance.
Entreprises ferroviaires : les « historiques » dominent le marché
Au printemps 2010, à l’heure où Banverket disparaît, l’appellation « historique » SJ survit et se porte assez bien. L’entreprise SJ, qui a succédé à l’activité Voyages des SJ en 2001, a fait en 2009 un chiffre d’affaires de 8,7 milliards de couronnes (près de 900 millions d’euros), inférieur de 3 % à celui de 2008. Reste un bénéfice après impôt de 460 millions de couronnes (près de 50 millions d’euros), en baisse de 13 % mais positif pour l’Etat actionnaire ! Ces baisses en 2009 ne traduisent pas uniquement une fréquentation en recul de 2 % à périmètre constant. En effet, 5 % ont été perdus suite au transfert des trains interrégionaux de l’Öresund au consortium DSB First. Car SJ vit maintenant avec la concurrence, cette dernière assurant désormais 10 % des trajets supérieurs à 100 km et 30 % des déplacements plus courts.
Côté fret, l’ancienne activité Marchandises des SJ est devenue l’entreprise Green Cargo en 2001. Aussi mal en point à ses débuts que la plupart de ses homologues européens, Green Cargo va faire un énorme effort de productivité et de qualité qui va lui attirer de nouveaux tonnages en dépit d’une concurrence totale depuis 1996. C’est ainsi que Green Cargo a été bénéficiaire de 2004 à 2008. Et en dépit de la crise, cette entreprise qui a réalisé l’an passé un chiffre d’affaires de 5,9 milliards de couronnes (près de 600 millions d’euros) a renoué avec les bénéfices au troisième trimestre 2009. Il faut dire que Green Cargo bénéficie d’un fort effet de groupe, avec des participations dans plusieurs entreprises de logistique et de transport ferroviaire, comme CargoNet (avec les NSB) et TGOJ Trafik, entreprise privée « historique » suédoise.
Au total, 26 entreprises ferroviaires sont aujourd’hui présentes sur le réseau suédois (108 en comptant les embranchements). Le fret donne du travail à 16 exploitants, contre 11 pour les voyageurs (l’entreprise Tågab est présente sur les deux marchés). Celui qui « monte » actuellement est le consortium regroupant les DSB et First, qui formera la deuxième entreprise ferroviaire en Suède pour les voyageurs en décembre 2010, avec trois lignes du RER de Göteborg, huit lignes régionales dans l’ouest de la Suède et les trains régionaux du Småland, qui s’ajouteront aux trains interrégionaux de l’Öresund.
Personnel : moins nombreux, plus dispersé mais plus fort
Les premières années de la réforme ferroviaire suédoise n’ont pas amélioré l’emploi au sein des SJ ou de Banverket. Au cours des années 1980, avec un passage de 37 000 à 26 000 agents, les SJ avaient fini par être un des exploitants les plus productifs d’Europe. Si 7 000 des « disparus » étaient alors passés à Banverket, les effectifs ont continué à diminuer dans les années 1990, puisqu’en janvier 2001, au moment de l’éclatement des SJ, 3 300 travaillaient dans l’activité Voyages et 3 000 dans l’activité Marchandises. Outre par les postes disparus (un sur deux en exploitation), la différence s’explique également par la filialisation de l’immobilier (Jernhusen, gestionnaire des gares), du nettoyage des trains (TraffiCare) et de la maintenance du matériel roulant (entreprise EuroMaint, privatisée par la suite), ainsi que par la vente du département informatique.
De plus, qui dit concurrence dit transfert du personnel lors de la reprise d’un trafic par un nouvel exploitant. Pour chaque cheminot se pose alors le choix entre garder son poste, le repreneur s’engageant à donner la priorité au personnel en place, ou rester fidèle à son employeur, sans garantie de garder un emploi. Le transfert du RER de Stockholm des SJ à Keolis a sans doute été le cas le plus problématique, entraînant une démission massive du personnel exploitant en janvier 2000. « La nouvelle direction voulait supprimer des avantages et des primes : c’était une convention collective au rabais », rappelle un ancien responsable syndical. Cet épisode a marqué un tournant, le personnel ayant pris conscience de sa force du fait de la pénurie de main-d’œuvre qui régnait dans le secteur ferroviaire après les rationalisations des années 1990 et le gel des formations. Les syndicats, qui étaient idéologiquement plutôt contre l’arrivée de nouveaux acteurs, ont su habilement tirer parti de la situation dans laquelle se trouvaient leurs adhérents en obtenant des conditions plus intéressantes, les négociations se faisant désormais dans de plus petites structures que par le passé.
Aujourd’hui, SJ est le principal employeur du secteur, avec presque 4 000 salariés qui assurent pour la plupart des tâches directement liées au transport de voyageurs sur rail : conducteurs, contrôleurs, vendeurs de billets… L’avenir de ces derniers n’est pas garanti, avec des guichets ouverts de moins en moins longtemps, la sous-traitance des billets aux commerces en gare, la multiplication des automates et la généralisation d’Internet.
Avant de disparaître, Banverket s’est séparé de son activité chargée des travaux sur les infrastructures ferroviaires, qui doit également faire face à la concurrence. Ainsi, depuis le 19 novembre 2009, les 3 000 salariés de Banverket Produktion ont été repris par l’entreprise Infranord, dont le capital reste détenu par l’Etat et qui a réalisé en 2009 un chiffre d’affaires de 4,3 milliards de couronnes (environ 400 millions d’euros).
Fret : en hausse jusqu’en 2008
C’est dans le fret que le transport ferroviaire est le plus ouvert en Suède. Après les premiers opérateurs de proximité en 1991, les concurrents des SJ sont apparus en 1996 avec l’ouverture totale du marché de fret. Toujours en 1996, la compagnie minière LKAB a repris le transport de ses propres minerais par le biais de sa filiale MTAB. Moins réussie fut l’expérience grandeur nature des magasins de meubles IKEA, dont la compagnie de fret ferroviaire internationale lancée en 2002 s’est arrêtée dès 2004.
Pourtant, le développement du fret ferroviaire suédois avant la crise avait montré la même tendance positive qu’en Grande-Bretagne ou en Allemagne, avec une suite d’années record entre 2003 et 2008. Le fret ferroviaire suédois accompagnait la hausse des exportations de produits sidérurgiques, de minerai de fer, de bois ou de produits dérivés de ce dernier, de biens de consommation, de pièces automobiles et de produits chimiques ou pétroliers, alors que la qualité de service s’améliorait avec 76,5 % de trains à l’heure. Ainsi, la part de marché du rail pour le transport de fret au-dessus de 100 km est remontée à 25 %. La crise a ralenti la progression sur ce marché où Green Cargo reste l’acteur principal avec 14,8 milliards de t-km sur les 23,3 milliards de t-km du réseau suédois en 2008. Sur la différence, les transports de minerais MTAB ont représenté 4,4 milliards de t-km et les nouveaux entrants 4,1 milliards de t-km.
Un autre élément structurel qui rend le rail plus compétitif est l’adaptation progressive du réseau suédois aux trains plus lourds (la charge par essieu passe de 22,5 t à 25 t, voire 30 t sur la ligne des Minerais) et plus volumineux (nouveau gabarit C pour des wagons plus hauts et plus larges). Sans oublier l’accélération des trains : après avoir abandonné le tri ambulant en 1996, la Poste suédoise est revenue au train et roule depuis février 2001 à 160 km/h maximum avec des vitesses moyennes supérieures à celle des trains classiques pour voyageurs !
Voyageurs : plus fréquent, plus rapide mais plus cher
En deux décennies, les trains de voyageurs suédois ont changé de siècle. Hier vieillots et lents, ils sont devenus compétitifs face à l’automobile et aux lignes aériennes intérieures grâce au renouvellement du matériel roulant, au raccourcissement des temps de parcours et à une fréquence plus élevée des dessertes, entraînant à son tour une fréquentation plus élevée des trains.
Depuis 1988, la vitesse commerciale des trains grandes lignes a bondi de 35 % : alors qu’à la création de Banverket les 100 km/h de moyenne n’étaient dépassés que sur la relation Stockholm – Göteborg (456 km), cette dernière est désormais assurée à plus de 140 km/h, de même que Stockholm – Malmö (614 km). Pour ces deux relations, l’emploi de rames pendulaires X 2000 aptes à 200 km/h a amplifié les gains de temps apportés par les améliorations de l’infrastructure. Les seuls trains grandes lignes ayant connu une baisse de performances sont les IC, vu que les meilleurs ont été remplacés par des X 2000.
Sur les parcours régionaux ou interrégionaux de 100 à 200 km, la vitesse a crû de 20 à 40 % dans les meilleurs des cas (emprunt de tronçons reconstruits ou de lignes nouvelles), avec des moyennes de l’ordre de 100 à 120 km/h. Toutefois, certaines transversales n’ont pas connu d’amélioration notable en temps de parcours, ni de dégradation d’ailleurs, restant autour de 80 km/h de moyenne.
Enfin, si les parcours inférieurs à 100 km n’ont été accélérés que sur les lignes récemment électrifiées, ce sont les fréquences qui y ont explosé : les dessertes locales ou de banlieue offrent deux fois plus de départs qu’en 1988, alors que les rétablissements de trains régionaux sur des lignes interurbaines auparavant desservies par des trains grandes lignes sans arrêts intermédiaires ont permis localement de tripler à quintupler la fréquence.
Car, même si les effets de la crise actuelle avaient commencé à se faire sentir, les chiffres 2008 sont ceux d’une année record : en vingt ans, le trafic voyageurs est passé de 6,6 à 11 milliards de v-km, la progression ayant été plus faible au-dessus de 100 km (de 4,6 à 6,4 milliards de v-km) que sur les trajets plus courts (de 2 à 4,6 milliards de v-km). Ainsi, face à l’automobile, au car et à l’avion, le train a une part de marché de 15 % au-dessus de 100 km, ce qui est moins qu’en 1980 (20 %), mais plus qu’en 1993 (13 %). Les trains de voyageurs suédois affichent une ponctualité de 91,7 %, en légère progression : ce résultat est honorable, mais entaché par le mauvais score des X 2000, avec 75 % seulement de trains à l’heure.?Dommage, pour le train SJ?le plus prestigieux, en concurrence directe avec l’avion…
Le dernier changement notable de ces vingt dernières années concerne les tarifs, qui étaient avant 1988 la principale arme du train face à la concurrence. Même pour les relations de service public, le rail suédois est passé d’une logique « sociale » à une logique de marché, la concurrence étant censée faire baisser les prix lors des appels d’offres. Le résultat n’est pas évident : si le contribuable suédois paye environ 20 % moins cher pour les services subventionnés qu’il y a vingt ans, l’usager paye souvent son train plus cher. Les abonnements mensuels valables sur les trains régionaux reviennent 60 % plus cher, alors que le prix au kilomètre des trains IC a globalement suivi l’inflation. Quant aux X 2000, leur prix est passé d’une logique kilométrique en 1990 (0,20 euro/km) au yield management : d’un extrême à l’autre, le tarif varie du simple au sextuple (0,05 à 0,30 euro/km). Les améliorations se payent…
Patrick LAVAL