Figure tutélaire de la photographie ukrainienne et artiste de premier plan en Europe de l’Est, Boris Mikhaïlov a posé son regard acéré sur les grands évènements qui ont jalonné l’histoire de son pays, de l’ère soviétique à la révolte de la place Maïdan.
Jusqu’au 15 janvier 2023, La Maison européenne de la photographie (MEP) propose, en partenariat avec la RATP, dans ses murs et à la Bourse de commerce, la plus importante rétrospective jamais consacrée au photographe. La Régie offre dans ce cadre une exposition « hors-les-murs » de ce travail dans les couloirs de 12 stations et gares de son réseau. Les oeuvres prolongeront dans le métro et le RER cette rétrospective exceptionnelle jusqu’en février 2023.
Les voyageurs peuvent ainsi admirer des photographies tirées de la série « Arles, Paris… and. », réalisée à l’occasion de son premier voyage hors de l’Union soviétique. Celui-ci l’emmène en France en 1989, à Paris et à Arles. Une série qu’il retouchera des années plus tard directement au pinceau. Né en 1938 à Kharkiv, Boris Mikhaïlov s’est lancé dans la photographie en autodidacte à partir de 1965 après avoir abandonné son métier d’ingénieur. Il a, pendant sa longue carrière, immortalisé la déliquescence de l’Union soviétique, l’âpreté de son quotidien, puis l’avènement du capitalisme post-soviétique et son lot d’inégalités nouvelles. En 2013 et 2014, il est sur la place Maïdan, saisissant les attentes d’un peuple ukrainien pressé de se libérer de la tutelle russe. Ses photos lient ambition documentaire et rêverie surréaliste. Subversives, ironiques, caustiques, ses images sont souvent colorées. Il a également beaucoup expérimenté, juxtaposant notamment les diapositives pour créer de nouvelles images. Aujourd’hui, Boris Mikhaïlov, qui vit entre Kharkiv et Berlin, a 84 ans.
Preuve de l’importance de son oeuvre, son travail photographique a été présenté dans les plus grandes institutions culturelles comme la Tate Modern à Londres, le MoMA à New York, le Berlinische Galerie et C/O Berlin à Berlin, le Pinchuk Art Center à Kiev ou encore le Staatliche Kunsthalle à Baden-Baden. Boris Mikhaïlov a remporté de nombreuses distinctions, comme le 2015 Goslar Kaiserring Award, le Citibank Private Bank Photography Prize (aujourd’hui nommé Deutsche Börse Photography Foundation Award) en 2001 et le Hasselblad Award en 2000. Il a représenté deux fois l’Ukraine à la Biennale de Venise, en 2007 et en 2017.
Cette importante rétrospective devait initialement avoir lieu en 2020, mais a dû être reportée à cause de l’épidémie de Covid-19. Aujourd’hui, l’Ukraine fait face à l’agression de l’armée russe, et les photos prises pendant cinquante ans par Boris Mikhaïlov représentent certains lieux probablement touchés par les bombes et missiles russes. Ces images offrent un rempart contre l’oubli, une capsule temporelle qui témoigne d’un monde aujourd’hui disparu. Et elles nous rappellent cette citation de l’artiste : « Ce qui est important n’est pas de savoir comment on montre quelque chose mais de le montrer au bon moment ».
Où voir les oeuvres de Boris Mikhaïlov :
- Champs-Élysées – Clémenceau
- La Chapelle
- Hôtel de Ville
- Châtillon – Montrouge
- Saint-Denis – Porte de Paris
- Madeleine
- Gare de Lyon
- Pyramides
- Charles-de-Gaulle – Étoile
- Nation
- Nogent-sur-Marne
? Cet article est tiré du numéro 3909 de La Vie du Rail.
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