Inaugurée fin juillet 1933 par le Président de la République Albert Lebrun, la gare maritime de Cherbourg, célèbre cette année ses 90 ans. Surnommé « Notre-Dame des Queens », ce monument au style Art déco a reçu, l’année dernière, le titre convoité de « monument préféré des Français. Il accueille depuis 2002 la Cité de la mer.
Couronné « Monument préféré des Français 2022 » dans la célèbre émission de France 3 présenté par Stéphane Bern, la gare transatlantique de Cherbourg ne voit plus de trains arriver sur ses quais. Depuis 2002, elle accueille la Cité de la mer. A l’époque de son inauguration, le 31 juillet 1933, la gare maritime est le deuxième bâtiment public le plus vaste de France après le château de Versailles. Elle succède à une modeste gare maritime en pierre construite en 1912.
Sur deux hectares et demi, la nouvelle gare se distingue par des installations ultramodernes dans un style Art Déco très en vogue à l’époque. L’idée des concepteurs du projet est de faire de cette gare la porte d’entrée sur l’Amérique : après avoir emprunté le New York Express à Saint-Lazare, le train-paquebot de la Compagnie Générale Transatlantique (qui a circulé jusqu’en 1974 et le retrait du paquebot Le France), le voyageur embarquait très rapidement pour une traversée transatlantique.
Jusqu’alors, les grands paquebots ne pouvaient pas mouiller à Cherbourg. Ainsi, afin de monter à bord du Titanic en 1912, c’est en étant transportés par deux transbordeurs que les 281 passagers du célèbre navire au destin tragique avaient pu embarquer.
Le projet d’une gare ferroviaire accueillant les passagers de Saint-Lazare, avec des bassins permettant le mouillage de paquebots à destination des Amériques, voit le jour en 1920. L’architecte René Levavasseur est chargé de concevoir la nouvelle gare.
Cette période est marquée par d’importantes migrations d’Européens épuisés par la Grande Guerre. Les grands ports de toute l’Europe sont assaillis par des foules inquiètes, en quête d’un avenir meilleur de l’autre côté de l’Atlantique. Entre 1920 et 1932, le port de Cherbourg voit passer un demi-million de migrants ! La nouvelle gare fluidifie la circulation des passagers. C’est par quatre voies qu’arrivent les trains, déversant les candidats à la traversée. Ceux-ci s’engouffraient ensuite dans un escalier qui les menait dans la salle des pas perdus, suivie d’une salle dédiée aux douanes. Une fois les formalités accomplies, les passagers pouvaient accéder aux passerelles et aux paquebots.
A son apogée, la gare maritime recevait jusqu’à sept trains par jours en provenance de Saint-Lazare. Les célébrités aussi étaient du voyage. Cary Grant, Spencer Tracy, Dwight Eisenhower, Duke Ellington, Liz Taylor et Richard Burton, Rita Hayworth, Gregory Peck, Joséphine Baker, Salvador Dali, Fernandel ou encore Luis Mariano… autant de stars qui sont passés par Cherbourg à l’époque de sa grandeur.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le bâtiment est ravagé. Avant de se replier, les Allemands prendront le temps de saboter la gare. Les Alliés remettront en état le port, en particulier le quai de France, afin de débarquer du matériel militaire. Dès 1946, le trafic transatlantique reprend dans un terminal provisoire. En 1952, la gare est remise en état, mais dans une configuration moins ambitieuse, avec une superficie restreinte. L’impressionnant campanile de 35 mètres de haut qui domine les installations est même abandonné. Les fastes d’avant-guerre ont cédé la place à un terminal fonctionnel, qui accueillera ensuite le Queen Elizabeth et le Queen Mary, deux gigantesques paquebots. Mais l’activité de la gare maritime s’étiole.
La chambre de commerce locale, propriétaire des lieux, va, après la fermeture, ordonner une série de chantiers de démolition et la gare maritime ne conserve aujourd’hui qu’un tiers de ses dimensions d’origine. Sans la mobilisation des habitants, très attachés à ce bâtiment prestigieux, la gare maritime aurait probablement été détruite. Heureusement, elle a été inscrite à l’inventaire des monuments historiques en 1989. Cette inscription concerne le hall des trains et la voie charretière, avec leurs équipements (passerelles, escaliers, cages d’ascenseurs), les façades et les toitures du hall des transatlantiques, ainsi que les deux passerelles mobiles d’embarquement. Le 16 août 2000, le hall des transatlantiques bénéficie également d’une inscription à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques.
Le patrimoine est sauvé, mais que faire de cette immense bâtisse ? Dès 1990, Bernard Cauvin, alors président de la Communauté urbaine de Cherbourg, a un projet : faire de l’ancien gare un lieu dédié à l’aventure de l’homme sous la mer. Le 29 avril 2002, le projet devient réalité avec l’ouverture de La Cité de la Mer. En 2019, le musée a passé la barre des 4 millions de visiteurs, venus notamment découvrir un ancien fleuron de la Marine nationale, le Redoutable, premier sous-marin à propulsion nucléaire français. Les équipes du musée organisent également de nombreuses expositions temporaires.
