L’émission d’Arte Invitation au voyage, nous emmène en gare internationale de Canfranc. Juste de l’autre côté de la frontière française, au coeur de la vallée d’Aspe, ce monument de 241 m de long, doté de 365 fenêtres, 150 portes et de 27 faisceaux de voie ferrée est aussi grand que la gare Saint-Lazare.
Inaugurée le 28 juillet 1928, en présence notamment du roi d’Espagne et du président de la République française, la mise en service de la gare marque la fin de l’isolement de l’Espagne avec le reste de l’Europe. La nouvelle gare symbolise le progrès et l’espoir. La vallée d’Aspe a toujours été un lieu de passage entre le Béarn français et l’Aragon espagnol. Bergers et commerçants des deux pays y ont toujours été liés par la montagne. Le projet d’une ligne de chemin de fer qui percerait les Pyrénées émerge au milieu du XIXe, mais il faut attendre plus d’un demi-siècle avant que celui-ci se concrétise. Les travaux débutent en 1908. La vallée se transforme, les ouvrages d’art changent le paysage. Des milliers d’ouvriers investissent la vallée, travaillant nuit et jour pour vaincre la montagne. Juste après le tunnel du Somport, la gare internationale de Canfranc est le monument de cette nouvelle ligne. Autour de la gare, c’est également une véritable ville qui sort de terre. Les nouveaux habitants sont attirés ici par un confort inconnu dans les autres villages de montagne : celui qu’offre l’électricité.
Les cheminots des deux pays travaillent de concert, les administrations se partageant les voies et les sites de stockage. La ville est dédiée à la relation entre la France et l’Espagne et une classe d’école bilingue est même ouverte. Cette coopération entre deux pays est inédite sur le continent dans les années 1930. Mais les nuages s’amoncellent sur la gare dès 1936 et le début de la guerre civile espagnole. Franco fait fermer le tunnel du Somport pendant près de trois ans. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la vallée devient une porte privilégiée vers la liberté et des milliers de personnes y transitent pour atteindre la côte, puis les Etats-Unis.
Mais, le destin international de la gare ne durera pas plus de 50 ans. Un accident survient en mars 1970 : un train de fret détruit le pont de l’Estanguet. Les relations entre l’Espagne franquiste et la France sont alors tendues. Et le pont n’est pas reconstruit. Dès lors, la ligne s’achève côté français à Bedous et rapidement la partie française de la gare internationale est démantelée. La gare devient une gare terminus pour les voyageurs venus d’Espagne et décline inévitablement. En 2020, celle-ci n’accueillait que 20 voyageurs par jour ! Abandonnée pendant des années, la gare a subi les affres du temps et l’inventivité des vandales. Mais un projet de rénovation porté par la communauté aragonaise et par la Renfe offre une deuxième jeunesse à la gare…
? Cet article est tiré du numéro 3925 de La Vie du Rail.
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