Tester les CV vidéo. Offrir la possibilité de postuler depuis un mobile ou une tablette. Établir un suivi rapproché des candidats avec une reprise de contact régulière qui devrait être à terme possible toutes les 48 heures. Proposer des quiz d’orientation. Assurer une présence accrue sur les réseaux sociaux… Et puis renoncer à la religion du diplôme pour détecter les talents, les compétences et les appétences des postulants en évaluant leur personnalité. Pour faire évoluer ses méthodes de recrutement, ce groupe puissant de 260 000 salariés qu’est la SNCF veut s’inspirer des petites start-up. Ces start-up qui attirent de plus en plus les jeunes. Et qu’il va rencontrer régulièrement. Elle va lancer dès 2017 un schéma directeur pluriannuel dont la digitalisation doit être le fer de lance, annonce Jean-Marc Ambrosini, le patron des RH du groupe. Non que l’entreprise soit en mal de postulants. Si nos compatriotes la mettent volontiers en boîte – le fameux SNCF bashing – entrer dans cette boîte-là reste attractif. Les embauches s’y font encore à 75 % au statut. Rassurant par les temps qui courent. Classements et enquêtes sur l’image de marque des employeurs auprès des salariés le montrent : travailler à la SNCF reste l’ambition de nombreux Français.
Le magazine Challenges l’a classée en octobre à la 8e place des entreprises les plus attractives. Et Le Monde présentait le 4 octobre dernier aussi les résultats de la société spécialisée Universum où les cadres la placent en 25e position sur 130 parmi les employeurs idéaux. Dans le groupe de tête même si les BlaBlaCar, L’Oréal, Airbus ou autre Google font rêver. Avec 400 000 CV reçus chaque année pour le seul groupe public ferroviaire pour 6 000 postes offerts et 11 000 filiales comprises, l’ensemble du groupe SNCF est l’un des plus gros recruteurs de France. Reste qu’il ne trouve pas toujours si facilement les profils spécifiques qu’il recherche. La SNCF reconnaît qu’elle peine à pourvoir quasiment un tiers des postes qu’elle offre. Elle propose pourtant 160 métiers différents mais affronte une méconnaissance du grand public concernant les activités qu’elle nécessite en coulisses : « l’électrique, la signalisation, les télécoms, les circulations, la maintenance des matériels et des infrastructures… », cite notamment Jean Marc Abrosini. Des métiers que les filles aussi peuvent exercer mais auxquels elles s’interdisent encore de penser. Et une désaffection générale détourne souvent l’ensemble des jeunes des cursus directement techniques. Sans parler de disparités géographiques : les postes en Îlede- France sont nombreux mais le coût de la vie, des rythmes contraignants rebutent souvent.
La SNCF entend du coup en interne aussi faire mieux connaître et favoriser les reconversions, aménager des passerelles, développer sa bourse aux emplois commune à l’ensemble de ses filiales. Et ne plus perdre le contact avec les collaborateurs qui lui ont donné satisfaction lors de missions ponctuelles ou de contrats en CDD. Mais pour embaucher à l’extérieur ses impératifs de sécurité l’obligent à rester exigeante. Les emplois proposés au niveau bac jusqu’ici vont être ouverts aux bac + 2, annonce Michel Bernard, qui dirige le département Emploi au sein des RH du groupe. Et parce qu’« aujourd’hui, on le sait, un salarié ne doit pas seulement être compétent pour faire ce qu’on lui demande quand on le recrute, nous devons détecter ceux qui seront capables d’assimiler à mesure des évolutions notamment digitales de plus en plus rapides quelle que soit son activité. Il y va de la compétitivité de l’entreprise, développe Jean-Marc Ambrosini. Dans le monde de la concurrence qui arrive, nous devons non seulement maintenir nos expertises mais aussi fidéliser les gens sur des métiers pointus. » Et de prendre l’exemple de ces ingénieurs système qui ont forcément besoin de plusieurs années pour acquérir au sein de la SNCF l’expérience ferroviaire indispensable.
Mais l’urgence pour tous, précise- t-il, c’est de « réduire le délai actuel pour assurer aux candidats leur premier entretien d’embauche. Éviter qu’ils ne s’évaporent ou se lassent ». Même s’il reconnaît qu’un si gros mastodonte se révèle parfois « lourd à la manoeuvre, nous voulons être l’employeur du futur », pose-t-il carrément. « Offrir l’agilité d’une start-up avec les avantages d’appartenir à un grand groupe ». En tout cas une chose est sûre quand on a réussi à intégrer la SNCF, on y reste. Contrairement à de nombreuses entreprises, le turnover y est très faible : pas plus de 500 démissions par an. Et le plus souvent imposées par la vie familiale.