Sorti en salle, le 30 octobre, “Snowpiercer, Le Transperceneige”, raconte l’histoire d’un train, refuge de l’humanité, qui parcourt une planète ravagée par une nouvelle glaciation. Un train qui reproduit les inégalités et les errements du genre humain. Mais la révolution couve dans le ghetto des voitures en queue du train…
Un train aux airs de vaisseau spatial file à toute vitesse à travers un paysage glacé et désertique. Nous sommes en 2031 et une nouvelle glaciation provoquée par le désastre écologique a touché la terre décimant quasiment toute l’humanité. Les survivants ont pris place dans un immense train qui circule sans interruption, mettant une année à faire le tour du globe. À bord, une stricte stratification sociale est à l’œuvre : les pauvres dans les voitures à l’arrière vivent dans des conditions concentrationnaires, tandis que les nantis jouissent du luxe des voitures de tête. Mais la révolte gronde.
Bong Joon Ho a découvert par hasard en 2005 dans une librairie spécialisée de Séoul une contrefaçon de Transperceneige la bande dessinée de Jean-Marc Rochette et Jacques Lob publiée en trois volumes à partir de 1982 (voir encadré page suivante). Une œuvre qu’il désire tout de suite porter à l’écran. Il explique : « quand je l’ai ouvert, j’ai découvert qu’il s’agissait de l’histoire d’un train. Or, je suis littéralement obsédé par les trains. Je crois que tout réalisateur a un objet de fascination qu’il désire ardemment mettre en scène, au moins une fois dans sa carrière. Pour moi c’est le train, ce véhicule longiligne qui serpente sur des rails, aux déplacements magnifiques et graphiques. Et puis c’est un espace confiné, un lieu qui représente un challenge en termes de mise en scène. Généralement les réalisateurs adorent ça. » Mais Bong Joon Ho a inventé une histoire nouvelle, animée par des personnages tout aussi nouveaux. À noter ce clin d’œil à la BD : le réalisateur a inventé le personnage du dessinateur, qui n’existait pas et qui est joué par Jean-Marc Rochette en personne, même si on voit uniquement ses mains en train de croquer des scènes à l’intérieur du convoi.
À l’instar des survivants du train, le film est foncièrement cosmopolite. Production américano-franco-coréenne, tournée en République tchèque, la distribution mélange des acteurs de tous horizons. Avec un budget de près de 30 millions d’euros, la production a eu des moyens à la hauteur du défi. Ainsi, le tournage a eu lieu en grande partie aux studios Barrandov, en République tchèque, les plus longs d’Europe et les seuls capables d’abriter l’énorme cardan, un dispositif capable de simuler les mouvements d’un grand bateau, d’un sous-marin, ou ici d’un train, capable de porter ce « convoi » de 120 tonnes.
Derrière le caractère divertissant propre à ce genre apprécié du grand public, c’est une société humaine irrécupérable qui est ici dépeinte. Un microcosme inquiet et inquiétant, prisonnier de ce convoi, confiné dans cette boîte en métal qui avance inexorablement vers le néant. Le réalisateur prévient : « dans un long train étroit, impossible de faire des détours ! Où que vous souhaitiez aller, il faut avancer. Les corps se heurtent et la sueur se mêle au sang. Je voulais montrer la formidable énergie et la sensation cinématographique que cela provoque. Dans ce train lancé à toute allure, tout le monde est emporté par une course en avant, héros et spectateurs. J’aimerais partager avec le public cette double expérience de la vitesse. » Mission accomplie !
Samuel Delziani