La renaissance passerait-elle par l’international ? Jusqu’alors très franco-français dans ses références, le spécialiste des intérieurs de véhicules de transports publics, Compin, a été choisi en juillet 2011 par l’espagnol CAF pour équiper 13 rames (3 400 places) de trains de banlieue de la ville de Trieste et de trains pendulaires en Sardaigne. Et ce avec une toute nouvelle gamme de sièges dont le nom de code est « S 65 ». Compin vient par ailleurs d’être retenu en novembre pour construire les bouts avant des métros de Siemens, avec une première commande à la clé, celle du métro de Varsovie. « On souhaite s’améliorer à l’export. Quand on part de zéro, c’est plus facile », reconnaît le nouveau directeur général de Compin, Pierre Sainfort. Après avoir connu en 2010 de graves difficultés financières qui l’on conduit à se placer sous procédure de conciliation, Compin semble vouloir repartir sur des bases saines. En 2011, la conciliation a mené à la nomination d’un nouveau management et à une recapitalisation de l’entreprise. Un accord a été trouvé avec les créanciers et les actionnaires, et le nouveau tour de table a été homologué début 2011 par le tribunal de commerce. Le capital de l’entreprise est redistribué en trois tiers qui sont détenus par Barclays Private Equity, Mezzanis (Crédit agricole Private Equity) et par le management de Compin. Exit, le Compin d’avant et son dirigeant, Marc Granger, qui avait pris les rênes du groupe à la faveur d’un premier LBO en 2005 et s’était ensuite appuyé sur Barclays PE pour mener une – trop – ambitieuse politique de rachats. Entre 2006 et 2008, les opérations de croissance externes s’étaient succédé en France (Sofanor, Défi 22, AMCP, EMC) et à l’étranger (AVE Rail Products Grande-Bretagne, Qingdao Railway FRP) à un rythme effréné. Compin atteignait en 2009 les 1 000 salariés, sans que cette croissance ne soit véritablement digérée. L’atterrissage a été compliqué. Pour survivre, le groupe a dû se délester de Sofanor et de ses filiales à l’étranger, en Chine, au Maroc et en Grande-Bretagne. L’équipementier qui ne compte plus que 550 salariés s’est recentré sur ses usines françaises et sur ses deux sites européens, en Pologne et en Bulgarie.
« L’entreprise était surendettée par rapport à sa capacité de financement et de trésorerie, ce qui posait problème tant du point de vue du remboursement de la dette que dans l’exécution des projets», explique posément Pierre Sainfort. A son arrivée, le nouveau patron de Compin a choisi de mettre en place une équipe neuve. « J’ai trouvé une entreprise dirigée par des managers de transition qui n’avaient que peu de culture ferroviaire », indique-t-il. Le ferroviaire, Pierre Sainfort connaît bien. Ce centralien de 54 ans a été le directeur général de Faiveley entre 2000 et 2009, dans ces années où l’entreprise est passée du statut de groupe familial au géant mondialisé de l’équipement ferroviaire que l’on connaît.
Chez Compin, Pierre Sainfort s’est entouré d’une nouvelle équipe de direction ayant entre dix et quinze ans d’expérience dans le domaine ferroviaire, avec une forte inclination internationale. Avec le départ de Frédéric Danton, Compin a coupé l’un des derniers ponts qui restaient avec la famille du fondateur éponyme. Compin a changé ses cadres, mais il a gardé la même ligne stratégique. Le groupe souhaite toujours asseoir sa croissance sur un marché domestique important. Il est, et souhaite rester, un fournisseur de référence pour Alstom, Bombardier, SNCF ou RATP, Irisbus ou Heuliez. Compin veut exister dans ses deux métiers principaux : le siège (49 millions sur un chiffre d’affaires de 74 millions d’euros) et les composites (25 millions), en s’affirmant comme un ensemblier de l’intérieur des trains. « Avant d’arriver chez Compin, je pensais que le siège et les composites étaient des domaines à faible valeur ajoutée, menacés par la concurrence des pays à faible coût », avoue Pierre Sainfort. « Ce n’est, en fait, pas le cas », poursuit-il. « Le contenu technologique pour obtenir le niveau de confort, de poids et respecter les normes est très élevé. Par ailleurs, le métier d’intérioriste implique une extraordinaire complexité logistique. Dans une voiture de train, il y a vingt types de sièges différents, qui doivent arriver juste à temps et dans le bon ordre pour être assemblés en toute fin de production. C’est-à-dire juste avant la réception du train par le client et la facturation, au moment où il y a une pression maximale sur le projet. Cette complexité logistique implique un véritable savoir-faire, ce qui constitue une barrière à une concurrence à bas coûts. »
De fait, sur les contrats hexagonaux récents, Compin a semblé à la hauteur de la concurrence. Après avoir été choisi en 2009 par la SNCF pour la rénovation des rames de TGV PSE (dont la livraison débute ces jours-ci), puis en 2010 par Eurostar pour fournir les kits de rénovation de ses trains (qui seront livrés au premier trimestre 2012), Compin vient d’être retenu par Bombardier pour les habillages intérieurs du Francilien de Bombardier.
Guillaume LEBORGNE
A Mauves-sur-Huisnes, Compin s’équipe pour l’avenir
Une cabine de TGV Duplex qui se promène entre un champ de blé et un champ de colza. Les habitants de Mauves-sur-Huisne, dans le Perche, sont habitués à voir passer ce type de convois exceptionnels sur leurs routes départementales. L’usine de Mauves, qui a rejoint le groupe Compin en 2007, a débuté ses activités en 1958 sous le nom d’EMC (Européenne de matériaux composites). Ce site, qui emploie 110 salariés, est l’un des deux principaux sites de production de l’activité composites et bouts avant de Compin (250 salariés) avec le site d’Aytré, qui fabrique – au rythme effréné d’une cabine par jour – des nez de Citadis. A Mauves-sur-Huisne, où sont fabriqués les nez avant des TGV, Compin multiplie depuis l’an passé les investissements. Il y a d’abord les technologies de moulage fermé développées à l’occasion du contrat d’habillage intérieur des voitures du Francilien. Bien connues dans d’autres secteurs qui fabriquent de plus grandes séries, ces méthodes de moulage par vide d’air permettent une meilleure répétitivité du process industriel, un plus juste dosage de matière première, une amélioration des cadences de production, et elles évitent les émissions de COV (Styrène). Dans le cadre du contrat de rénovation des intérieurs des TGV PSE, Compin vient par ailleurs d’installer à Mauves un atelier de fabrication des modules toilettes/sanitaires de trains. « C’est dans ce domaine du train qu’il y a le plus d’intégration. Fournir ces modules est un véritable travail de systémier », commente Pierre Sainfort. Enfin, un nouvel atelier de peinture doit être installé pour désaturer le site, qui approche ses limites de capacité.
G. L.
Repères
• 1902 : création de Compin
• 2003 : Compin est retenu pour réaliser les nouveaux sièges TGV 3G, connus ensuite sous le nom de « Christian Lacroix »
• 2005 : rachat de Compin par Marc Granger
• 2006 : Compin se lance dans le composite. Rachat de Défi 22 et de Sofanor
• 2007 : Compin rachète EMC
• 2008 : Compin rachète AVE Rail Products (Grande-Bretagne) et crée une coentreprise en Chine avec le leader chinois du siège en composite, Qingdao Railway FRP, dont il détient 60 %
• 2009 : Compin est retenu pour réaliser les kits de rénovation du TGV Paris-Sud-Est. Barclays Private Equity France devient majoritaire dans le groupe
• 2010 : Compin se place sous procédure de conciliation. Pierre Sainfort prend la direction de Compin. Eurostar choisit Compin pour ses nouveaux sièges
• 2011 : Nouveau tour de table et cessions de plusieurs filiales. Compin se réorganise autour de ses sites français principaux (Evreux, Brionne, Mauves-sur-Huisne et Aytré). Compin entre dans le panel de fournisseurs de Siemens et de CAF