Avoir son titre de transport sur carte sans contact, et multimodal de préférence, ça fait chic ! A tel point que quasiment tous les candidats aux dernières élections régionales avaient inscrit cette promesse dans leur profession de foi, sous une forme ou une autre. Les uns parlant d’une carte “Orange”, les autres de carte “régionale” ou “tout transport”. Et l’échéance de début 2010 approchant à grands pas, certaines régions qui n’ont rien mis en œuvre à ce jour précipiteraient bien les choses… L’idée générale étant bien sûr de simplifier la vie des usagers des transports, TER ou urbains, et de les encourager à les prendre grâce à des tarifs combinés plus attractifs. Résultat, quatre ans après, la moitié des régions sont dotées d’un titre “passe-partout”. Et ce alors qu’à la fin des années 90 on en était encore à mener des projets européens ou sous l’égide du Predit (Stradivarius à Marseille et Rennes, Icare en Ile-de-France). Bien sûr, le processus est long – sans parler du fait qu’il est coûteux – et il faut généralement commencer par une seule population, les abonnés de travail, avant de généraliser le titre à l’ensemble des voyageurs au fil des mois, voire des années. Ainsi, par exemple, la migration francilienne vers le titre sans contact Navigo a commencé en 2001 avec les cartes Intégrale (l’abonnement annuel), elle sera sans doute achevée au premier trimestre 2009 avec les cartes Orange mensuelles. Le choix du phasage s’articule autour de deux critères : tarifaire et géographique. « C’est généralement une association des deux qui est choisie, assure Ghislaine Mougel, directrice adjointe du pôle distributique d’Effia. Les offres les plus globales sont celles de Rhône-Alpes, Paca et Lorraine. » Peu de tarifications étant zonales, il est rare que les divers transporteurs aient à se partager les recettes à l’usage. « C’est généralement d’emblée, à la distribution, que ce partage est opéré », poursuit-elle. D’ailleurs, côté conseils régionaux, bien souvent, on n’oblige pas le voyageur à valider son titre avant de monter dans le train (sauf en Alsace et en Rhône-Alpes notamment). Toutes régions confondues, la croissance du nombre de porteurs de cartes est exponentielle : 38 700 en 2005, 188 000 à la rentrée dernière, sans compter les quelque 4 millions de Navigo en Ile-de-France. A la fin 2008, on estime que 215 850 cartes TER seront en circulation, dont 91 200 en Rhône-Alpes, 40 000 en Nord-Pas-de-Calais et 33 000 en Lorraine. Fin 2009, ce sont près de 320 000 cartes qui devraient fonctionner. Tour de France des titres qui marchent et de ceux qui sont en projet.
Nord-Pas-de-Calais : en 1997, la Transcarte débarque dans le Valenciennois.
Après une période expérimentale de quatre ans, Transcarte a été lancée il y a plus de dix ans avec trois opérateurs : la SNCF pour tous les TER, le réseau urbain de la Semurval – devenue Transvilles – et Valenciennes Stationnement. La cible ? Les 40 000 étudiants de l’agglomération. Pour évoluer, « la Transcarte doit maintenant basculer vers le système socle, qui est générique car il y a une importante interopérabilité à venir en Nord-Pas-de-Calais », explique Yvon Trochel, directeur du pôle distributique d’Effia. C’est prévu en 2009, elle pourra alors s’ouvrir aux abonnements de travail, puis aux réseaux comme avec Tadao, les bus de Lens – Liévin, Hénin – Carnin, début 2010. Par ailleurs, Effia s’occupe de l’assistance à maîtrise d’ouvrage pour Lille Métropole Communauté urbaine. « L’appel d’offres sort en décembre, la mise en œuvre de la billettique sera sans doute pour fin 2009 », poursuit le directeur. Son adjointe constate de plus que désormais les agglos ont le bon réflexe : « Toute autorité organisatrice de transports urbains qui lance un projet pense “interopérabilité” et contacte la SNCF. »
Centre : 2002, Multipass d’abord sur deux axes.
Utilisable sur les lignes Tours – Chinon et Tours – Loches dans un premier temps, Multipass est la première carte à la norme Intercode (voir encadré). Depuis 2002, elle a bénéficié chaque année d’une extension géographique de son usage. On peut désormais l’utiliser dans tous les trains de la région Centre sans validation, ainsi que dans les bus tourangeaux. Elle couvre tous les types d’abonnement (il ne manque plus que les trajets occasionnels). 5 000 cartes sont en circulation et l’on en prévoit le double dans un an.
Aquitaine : Modalis à la mode depuis 2004.
Lancée avec la communauté urbaine de Bordeaux sur une cible exclusive de voyageurs multimodaux, Modalis (4 000 cartes) constitue une exception à ce jour. En clair, le salarié qui prend le TER matin et soir mais travaille près de la gare Saint-Jean n’a pas le droit à Modalis… Dommage ! De plus, le bassin d’interopérabilité est limité au niveau de la région, pas pratique pour l’étendre aux TER interrégionaux. Pire, la Gironde édite des cartes comportant des clés propres qui ne sont utilisables que dans ce département. « Pourtant, au départ du projet, le conseil général de la Gironde, la région et la CUB étaient associés », précise Yvon Trochel. De 6 000 clients identifiés, on en dénombre vite 9 000, attirés par la souplesse d’utilisation du titre. Aujourd’hui, la communauté du bassin d’Arcachon Sud (Cobas) entame aussi une démarche avec le conseil régional pour que les clients puissent utiliser Modalis dans les TER et les bus d’Arcachon.
Rhône-Alpes : 70 000 cartes Oùra ! délivrées depuis 2005.
Déployée tout de suite à grande échelle, la carte Oùra ! fonctionne dès 2005 aussi bien dans les Transports urbains grenoblois (réseau TAG) que dans les cars isérois et bien sûr dans les TER. Des systèmes de validation se déploient partout car, contrairement à la majorité des cartes, Oùra ! se valide partout. Son utilisation a été étendue aux transports de Lyon et du département du Rhône et elle est en cours à Saint-Etienne et à Valence. Si bien qu’elle est déjà distribuée à plus de 90 000 exemplaires et on en attend le double dans un an. « Sous peu, tous les moyens de transport de la région l’accepteront, prévoit Yvon Trochel. Elle fonctionne quelle que soit la tarification monomodale ou multimodale et y compris sur les nouveaux tarifs complexes à mettre en œuvre. » D’ailleurs, on peut déjà payer son Vélo’v à Lyon avec Oùra ! Et il y a encore des projets. En 2009, une extension avec Genève, destinée aux utilisateurs des trains transfrontaliers, ainsi qu’une solution billettique pour les voyageurs occasionnels sont prévus.
Bretagne : Korrigo pour le bassin rennais en 2006.
Avec un déploiement géographique axé sur le bassin de Rennes pour les trains (octobre 2006), les transports urbains rennais (réseau Star, mars 2006) et le département d’Ille-et-Vilaine (cars interurbains Illenoo, septembre 2007), Korrigo est utilisable sur l’étoile ferroviaire (cinq lignes, treize gares) de la capitale régionale avec un périmètre correspondant au département. Une démarche d’extension géographique est lancée vers l’ouest pour aller jusqu’à Saint-Brieuc ou Vannes en janvier 2009. Pour le train, il faut acheter Unipass, un titre qui existait au départ pour les abonnements de travail ou scolaires et étendu depuis à tous types d’abonnement ou à l’unité. Il comprend trois zones de tarifs TER et existe soit sous forme papier, soit à télécharger sur la carte Korrigo. 5 800 personnes ont actuellement cette billettique en poche.
Alsace : Alséo pour 15 000 voyageurs depuis 2006.
A l’issue de laborieuses discussions de cinq ans, Alséo est proposée en Alsace pour les abonnés au TER (travail, élèves, étudiants) et fonctionne aussi dans les trams et bus strasbourgeois de la CTS, bien que cette dernière ait lancé au préalable sa carte Badgéo sur une norme différente… La SNCF et la région ont donc dû faire des entorses à la norme nationale pour s’assurer de la compatibilité des deux systèmes. L’offre n’est pas des plus limpides, mais elle promet des réductions allant jusqu’à 75 %.
Lorraine : SimpliCités désormais dans 33 000 poches.
Depuis février 2007, c’est le support de l’abonnement mensuel ou annuel Pass emploi et Pass campus de la SNCF. Valable sur tous les trains de la région (le réseau Métrolor), SimpliCités a anticipé l’interopérabilité, puisqu’une charte a été signée par seize autorités organisatrices de transport avec l’objectif d’aboutir à une véritable carte Orange à l’échelle de la Lorraine. L’ouverture avec le bassin de vie de Nancy est imminente (bus urbains et suburbains) ; à Nancy même, c’est effectif depuis août mais sans tarification commune – attendue pour 2009 ; à Metz, il faudra d’abord en passer par une remise à niveau de l’ancien système billettique. Au total, on espère avoir distribué 35 000 cartes fin 2009.
Auvergne : un UnikOpass depuis un an.
Lancée en octobre 2007, la carte UnikOpass avait déjà séduit plus de 4 000 Auvergnats en un an, et on estime à 6 000 le nombre de détenteurs probables fin 2008. Elle est utilisable dans les TER et les transports urbains clermontois de la T2C avec un avantage tarifaire par rapport à l’achat séparé de deux abonnements (SNCF et T2C), salarié ou étudiant. D’abord réservée aux abonnés intermodaux, elle a été étendue aux abonnés de travail, mensuel ou hebdomadaire, en juin dernier, puis aux élèves étudiants et apprentis en décembre. En mars prochain, elle prendra également en compte les abonnés annuels. La carte fonctionne sur toutes les lignes TER régionales, sans besoin de la valider. UnikOpass pourra proposer à terme l’hébergement de prestations complémentaires comme l’accès aux parkings ou la location de vélos.
Paca : Optima dans les TER des Alpes-Maritimes.
Fin 2007, les utilisateurs des TER des Alpes-Maritimes ont découvert Optima. La carte est monomodale, active sur un important bassin de déplacements le long du littoral, et son déploiement s’étend par zones géographiques tous les six mois. 8 000 personnes la détiennent à ce jour. « La couverture quasi complète de la région avec validation sera achevée en mars 2009, y compris avec une ouverture à la tarification occasionnelle », estime Ghislaine Mougel. Par ailleurs, une démarche d’interopérabilité est en cours avec certains départements et certaines agglos : Toulon et Marseille notamment devraient l’utiliser en 2009. Nice ayant une billettique nécessitant une évolution technique, Optima sera pour plus tard. « Souvent, le retard au lancement est attribuable à la difficulté de se mettre d’accord entre autorités organisatrices sur le nom, le look de la carte et les logos apposés dessus », racontent les responsables d’Effia. Il semble que justement, en Paca, Optima, nom choisi par la région, ne plaise pas à tout le monde.
Midi-Pyrénées passe à Pastel.
Après un test en 2006 avec la carte transport des demandeurs d’emploi qui permettait un décompte des voyages gratuits, la région se lance maintenant dans une vraie carte sans contact interopérable. Les premières cartes ont été distribuées pour les abonnements TER de novembre. La dernière-née dans la famille billettique s’utilise aussi sur les lignes du réseau Tisséo de Toulouse depuis juin, ainsi que dans les cars de la Haute-Garonne.
En projets dans trois régions.
Haute-Normandie, Languedoc-Roussillon et Picardie ont des projets en cours de développement. Objectif 2009 pour les deux premières régions, 2010 pour la Picardie. Dans une première étape, il s’agira de titres monomodaux destinés aux usagers du TER, mais cela n’empêche pas bien sûr d’envisager dès maintenant l’interopérabilité ultérieure. Petite complication à Montpellier : les clients du réseau urbain (TAM) ont déjà une carte à puce, mais aux anciennes normes. Les Montpelliérains qui souhaitent un abonnement au train doivent se procurer en plus le coupon papier “Kartatoo”, à tarification zonale. C’est ce dernier qui passera sur support électronique. Les voyageurs vont donc se retrouver avec deux cartes. Vous avez dit simplicité ?
Cécile NANGERONI