L’émission d’Arte Invitation au voyage nous emmène cette semaine pour un double voyage – littéraire et ferroviaire – à bord du mythique Transsibérien. De Moscou à Vladivostok, plus de 9 000 kilomètres, transfiguré en son temps par un jeune poète suisse, Frédéric Louis Sauser, plus connu sous le pseudonyme Blaise Cendrars. Alors que ses études à l’école de commerce de Neuchâtel sont un échec il est envoyé par sa famille en apprentissage à Moscou chez un horloger suisse. Nous sommes en 1904, il n’a que 18 ans. Il rencontre en Russie Hélène Kleinmann, dont il tombe amoureux. Après trois années entre Moscou et Saint-Pétersbourg, il retourne en Europe. Quelques mois après, Hélène meurt, brulée vive, à cause d’un accident de lampe à pétrole. Une mort qui plane sur son poème La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France, publié en 1913.

L’écrivain suisse a toujours subtilement mélangé son oeuvre et sa vie, déroutant toujours plus le lecteur sur la part de fiction que contiennent ses livres. Personne ne sait s’il a vraiment parcouru la ligne de chemin de fer, mais finalement peu importe… Avec La Prose du Transsibérien, il nous emmène avec lui dans un souvenir de jeunesse, à bord du mythique train, alors qu’il est encore un jeune homme plein de candeur : « En ce temps-là j’étais en mon adolescence / J’avais à peine seize ans et je ne me souvenais plus de mon enfance / J’étais à mille lieues du lieu de ma naissance / J’étais à Moscou, dans la ville des mille et un clochers et des sept gares / Et je n’avais pas assez des sept gares et des trois tours / Car mon adolescence était alors si ardente et si folle / Que mon coeur, tour à tour, brûlait comme le temple d’Éphèse ou comme la place Rouge de Moscou / Quand le soleil se couche. / Et mes yeux éclairaient des voies anciennes. / Et j’étais déjà si mauvais poète / Que je ne savais pas aller jusqu’au bout ».

Blaise Cendrars a fait du train russe un espace irréel, hors du temps. En éditant une version de son poème illustrée par la peintre Sonia Delaunay, il propose la première oeuvre simultanée. Composé des 445 vers créés par le poète, imprimés dans des corps de caractères et de couleurs différents, le livre est illustré d’une composition de formes et de couleurs de l’artiste d’origine russe. Cette oeuvre constitue un jalon important dans l’histoire de l’art du XXe siècle.

Lundi 13 février à 18 h 10 sur Arte. Invitation au voyage – Le transsibérien avec Blaise Cendrars. Eléphant Doc. France (2021)

👉 Cet article est tiré du numéro 3923 de La Vie du Rail.     

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