Quelques jours avant sa démission, Jacques Rapoport, l’ex-PDG de SNCF Réseau, recevait La Vie du Rail. Il reconnaissait, selon les constats de plusieurs rapports, les difficultés de l’entreprise dans la maintenance de l’infrastructure, le recrutement ou la formation des jeunes cheminots. La SNCF compte sur les solutions du XXIe siècle, notamment le numérique, pour redresser la barre et avoir « le meilleur réseau du monde dans les 10 ans ». Des constats et des recommandations que sa démission rend plus actuels que jamais.
La Vie du Rail : Le rapport Ligeron, réalisé pour le BEATT, montre des dysfonctionnements importants dans la maintenance de la signalisation. À sa lecture, on a souvent l’impression que ces constats peuvent être généralisés à d’autres secteurs de l’entreprise. Est-ce le cas ?
Jacques Rapoport : Je ne parle que de SNCF Réseau, et comme chacun le sait, la maintenance des infrastructures est une activité difficile. Avec Guillaume Pepy, nous l’avons toujours dit après Brétigny. Et ce que dit le rapport Ligeron est exact. Ce n’est pas une remise en cause du personnel, mais de l’organisation générale de la maintenance des infrastructures, sujet sur lequel je souhaite me centrer. La situation et la sécurité sont sous contrôle, grâce à l’implication et au professionnalisme des cheminots, dont les efforts quotidiens compensent les difficultés systémiques. Dans le périmètre de Réseau, il y a aussi la circulation et je ne pense pas qu’il y ait des difficultés majeures en matière de circulation. Certes, il y a un réel archaïsme de nos installations, et nous sommes parmi les derniers élèves de la classe européenne en matière de commande centralisée. L’accident qui vient de se produire en Allemagne rappelle qu’il faut être d’une totale humilité, mais il n’y a pas de clignotant allumé dans cette partie. Dans la maintenance au contraire, nous avons de réelles difficultés. C’est ce que disent le rapport Ligeron, celui du BEATT sur Brétigny, celui d’Apteis, commandé par les syndicats – que nous jugeons excessif mais que nous ne disons pas faux –, ou encore le rapport Lacoste.
LVDR : Comment en est-on arrivé à cette situation ?
J. R. : La première raison, c’est que depuis 35 ans le renouvellement de l’infrastructure est insuffisant. C’était le cas dans les années 90 et 2000 et, depuis, il reste insuffisant bien qu’il ait massivement augmenté. L’alerte était déjà donnée en 1998, dans une lettre au ministre des Transports de Louis Gallois et Claude Martinand, alors présidents de la SNCF et de RFF. Lettre qui faisait du renouvellement et de la modernisation du réseau une priorité. Depuis, le niveau de renouvellement a remonté, mais il ne permet pas encore de stabiliser l’âge moyen de nos équipements. Il est, selon les équipements, entre 50 et 100 % supérieur à celui que l’on connaît en Allemagne, laquelle Allemagne vient de passer ses investissements de renouvellement de 3 à 4milliards d’euros par an. Nous en sommes à 2,5 milliards…