Près de trois millions d’usagers par jour et pas loin de 10 000 bus… Le très grand réseau francilien connaît trois changements de nature différente : la refonte de l’offre, la conversion aux bus propres, et la prochaine ouverture à la concurrence. Les trois bouleversements ont lieu en même temps, et interfèrent les uns avec les autres. Les dépôts, par exemple, sont au coeur des trois sujets. Et l’un des trois est explosif.
Refonte de l’offre
Voulue par Valérie Pécresse Échéance : starting-block à Paris ; work in progress dans la région. Techniquement pas si simple, économiquement intéressant
Grand Paris des bus. C’est l’expression qu’a choisie Valérie Pécresse, à peine élue à la présidence du conseil régional d’Île-de-France, pour lancer la refonte du réseau de bus régional. L’expression est moins en vogue, peut-être parce que Valérie Pécresse ne se reconnaît pas trop dans des termes qui oublient le mot « région » au profit d’une entité à venir dans laquelle elle ne se reconnaît pas. Cela dit, d’un point de vue opérationnel, la restructuration est bien enclenchée. Elle s’accompagne d’un renfort de l’offre évalué par Île-de-France Mobilités (IDFM) à 100 millions d’euros par an, pour l’ensemble de la région.
Dans Paris, l’offre n’avait pratiquement pas bougé depuis les années 50. La question se pose autrement à l’échelle régionale, où la forte urbanisation a conduit à mettre en place de nouveaux services au fil du temps : par nature, c’est plutôt work in progress. Deux démarches parallèles ont donc été conduites, de consultation et de concertation, à l’automne 2016. Pour Paris, IDFM a pris sa décision le 28 juin 2016. Plus de la moitié des lignes de bus « à deux chiffres » (Paris intra-muros) sont modifiées, quatre nouvelles lignes sont créées.
Reste à la mettre en oeuvre. À IDFM, on dit attendre deux choses. Que la mairie de Paris ait fini les aménagements de voirie décidés qui, rappelle-t-on, sont subventionnés d’environ 70 % par la région. L’autorité organisatrice attend aussi de la RATP qu’on puisse « ranger les bus ». Trouver de la place dans les dépôts, en construire sans doute deux nouveaux, ce qui permettra aussi de limiter les parcours haut-le-pied. Il faut de plus modifier l’agencement des dépôts, compte tenu d’un recours accru aux bus articulés. Moins manoeuvrables que les bus standards, ils nécessitent des installations traversantes. La RATP considère qu’il lui faut 18 mois pour se conformer à la décision de l’ex-Stif.
En dehors de Paris même on assiste plutôt à des réorganisations de réseaux au cas par cas. Cela concerne, par exemple, les réseaux de Versailles, de Melun, de Cergy-Pontoise. Pas spectaculaires peut-être, dit un porte-parole, ces refontes représentent au bout du compte « un changement en profondeur ». Le bus montre ici toute sa souplesse. Pour des investissements souvent modestes, le retour est intéressant. C’est un avantage que souligne le Comité d’évaluation de l’amélioration de l’offre de transport en Île-de-France, présidé par Jean-Paul Bailly, dont le premier rapport vient d’être rendu public. Le Comité Bailly analyse la restructuration des lignes Mobilien de la RATP 163, 258 et 259, accompagné du déploiement de bus articulés à moteurs hybride sur la ligne 258 : « le gain de qualité de service est ainsi important pour les voyageurs, et l’exploitation a été rationalisée ».
Ouverture à la concurrence
Demandée par l’Europe et la loi ORTF Échéances mises en oeuvre par le gouvernement, très contestées dans la profession : 1er janvier 2021 pour les réseaux Optile ; 1er janvier 2025 pour la RATP. Mal préparé, mal ficelé, un dossier à terme aussi explosif qu’à la SNCF
Le gouvernement veut ouvrir les réseaux de bus des entreprises privées le 1er janvier 2021. « La loi ORTF de 2009 prévoit la concurrence des bus en Île-de-France au 31 décembre 2024, mais un arrêt du Conseil d’Etat de novembre 2016 a considéré que les entreprises d’Optile ont renoncé à leur droit de transport et accepté d’être mises en concurrence de manière anticipée », déplore Jean-Sébastien Barrault, président d’Optile. D’où cette échéance si proche. Les entreprises d’Optile, « choquées », selon le président de l’organisation professionnelle, ont signé des accords avec IDFM jusqu’au 31 décembre 2020. « Mais que se passe-t-il le 1er janvier 2021 ? », demande Jean-Sébastien Barrault. IDFM considère qu’elle est obligée de préparer la mise en concurrence en respectant l’arrêt du Conseil d’Etat. Au contraire, dit le président d’Optile, « nous considérons que la loi doit s’appliquer ». Une lettre de recours gracieux adressée à la présidente d’IDFM étant jusqu’à présent restée sans réponse, les entreprises d’Optile vont donc « déposer des recours devant les tribunaux dans les prochaines semaines ». Jean-Sébastien Barrault soulève, de plus, deux points importants qui ne sont pas réglés.