Entretien avec Claude Steinmetz, président de l’Afra
Les entreprises de fret ferroviaire et de transport combiné tirent le signal d’alarme sur la situation du secteur. Le 19 janvier, elles ont publié, dans le Journal du Dimanche, une lettre ouverte au Président de la République, pour demander des mesures de soutien. Claude Steinmetz, président de l’Afra (association française du rail), qui regroupe les opérateurs alternatifs à la SNCF et qui a cosigné la lettre, explique à La Vie du Rail les raisons de cet appel à l’aide.
La Vie du Rail. Quel est le bilan des grèves pour le fret ferroviaire ?
Claude Steinmetz. Le bilan est catastrophique. Les grèves ont plombé les comptes 2019 : les pertes se chiffrent en plusieurs dizaines de millions d’euros. Toutes les entreprises de fret ferroviaires sont extrêmement fragilisées.
La grève a été particulièrement dure au début du mouvement avec seulement 5 % en moyenne des trains de fret qui ont pu circuler. Puis ce taux est monté à 25 %.
Nous avons essayé de sensibiliser SNCF Réseau mais quand il n’y a pas d’aiguilleurs, les trains de fret ne peuvent pas circuler.
LVDR. L’Afra a cosigné une lettre ouverte au Président de la République. Que demandez- vous ?
C. S. Nous cherchons à sauver le fret ferroviaire. Jusqu’à maintenant nous n’avons pas eu de réponse à notre demande d’un système de compensation qui prendrait en compte les pertes subies. Le président de la République représente le dernier recours.
Nous réclamons aussi des demandes fortes en faveur du fret ferroviaire comme le font d’ailleurs les autres pays européens, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche… L’Allemagne par exemple va dépenser plus de 62 milliards d’euros d’ici à 2030 pour rénover son réseau ferré. Nous demandons aussi d’examiner précisément dans quelle mesure des travaux pourraient être réalisés le jour sur les voies, sans que les trains de voyageurs en subissent des nuisances. Actuellement, les chantiers sont réalisés de nuit, générant de fortes perturbations pour les circulations de fret. Il faut changer de paradigme et mettre au point des solutions nouvelles, plus efficaces.
Je rappelle que les trains de fret représentent un mode propre : 9 fois plus propre que le transport routier.
LVDR. Quel est le montant de la réparation demandé au gouvernement ?
C. S. Nous allons faire les comptes activité par activité, entreprise par entreprise. Nous ferons les comptes et en présenterons très vite le montant, au plus tard mi-février.
LVDR. Comment éviter à l’avenir de tels blocages des trains de fret ?
C. S. Nous demandons que certains noeuds ferroviaires stratégiques et aiguillages ne soient pas bloqués. Ce qui reviendrait à assurer un service minimum dans certains aiguillages.
LVDR. L’avenir de Fret SNCF paraît également menacé. Quelles pourraient être les conséquences pour le secteur ?
C. S. Aujourd’hui Fret SNCF représente 60 % de l’activité de fret ferroviaire en France. Notre intérêt à tous, c’est que le secteur ferroviaire s’améliore, y compris pour Fret SNCF (qui n’est pas représenté par l’Afra, je le rappelle). Faute de quoi il y aura encore plus de camions sur les routes…
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Ce n’est pas le scénario d’un film d’horreur, mais c’est une réalité cauchemardesque! Pendant que le fret ferroviaire recule dangeuresement dans le pays, le transport routier bat son plein. Ces temps hautement difficiles pourraient être l’un des derniers réveils provoqués par les klaxons massifs des locomotives des trains de marchandises pour secourir le système de fret ferroviaire en France.