C’est une autre arme dans la guerre lancée contre l’Ukraine : le blocage des marchandises, et plus particulièrement des acheminements alimentaires. Avant la guerre, 90% de l’exportation des céréales, dont l’Ukraine est l’un des principaux producteurs mondiaux (le cinquième pour le maïs et le huitième pour le blé), se faisait par la mer Noire. Mais désormais, le blocus des ports par l’armée russe suspend le transport maritime. « Nous devons acheminer par rail une douzaine de millions de tonnes de fret, nous explique Alexander Kamyshin, le directeur général d’Ukrzaliznytsia (UZ), la compagnie ukrainienne de chemins de fer. Or nous n’étions pas du tout préparés à exporter de telles quantités. »
L’enjeu est d’autant plus crucial que la nouvelle récolte du blé doit se faire cet été. Or les silos sont encore pleins… L’objectif est d’accélérer à tout prix l’exportation des marchandises. « Nous devons pouvoir coopérer au mieux avec les autres opérateurs européens. Sinon, le fret reste à la frontière », déplore Alexander Kamyshin. Des wagons sont ainsi en attente depuis plusieurs semaines.
Car les freins à l’exportation des marchandises sont multiples. A commencer par la différence d’écartement des rails, entre la norme ukrainienne (1,520 mm, la même qu’en Russie) et celle en vigueur dans la plupart des autres pays européens (1,435 mm). Il est donc nécessaire de transborder les marchandises sur d’autres wagons. Or, comme nous l’explique Aleksandra Röhricht, directrice générale adjointe de Forwardis, le commissionnaire de transport international de marchandises du Groupe SNCF : « le problème majeur est que nous n’avons aujourd’hui pas assez de wagons capables de transporter les céréales. Nous faisons face à une véritable pénurie ».
A la frontière ukraino-polonaise, une autre solution est possible : les bogies des wagons peuvent être changés. La Pologne étant membre à la fois des conventions de transports ferroviaires de marchandises de l’Europe et de la CEI, elle permet la circulation sur son territoire des wagons ukrainiens, plus larges que les wagons européens. Mais se pose à nouveau un problème de matériel : « Il n’y a actuellement pas assez de bogies adaptables pour les wagons ukrainiens », poursuit Aleksandra Röhricht.
Face à ce manque criant de matériel, l’Ukraine en appelle aux politiques : « il faut que l’Europe soit en première ligne sur ce dossier », prévient Alexander Kamyshin. Message reçu par le Parlement européen, qui a déjà voté la suspension des droits de douane sur les exportations ukrainiennes. Mais cette décision n’est pas suffisante, loin de là. Dans une note publiée le 12 mai, la commissaire aux transports Adina Valean appelle à « développer des routes alternatives pour relier l’Ukraine à l’Union Européenne. C’est la solution non seulement pour les fermiers en Ukraine mais aussi pour les consommateurs en Europe et ailleurs ».
-> Voir l’article complet : https://www.ville-rail-transports.com/ferroviaire/exportations-ferroviaires-une-arme-geopolitique-dans-la-guerre-en-ukraine/