Le Monde l’a révélé ce 10 septembre : les juges ont constaté
quarante anomalies autour de la pièce à conviction constituée par
l’appareil de voie sur laquelle l’éclisse a basculé. De fait, la simple
observation d’une des photos présentées par la SNCF dès le surlendemain
du déraillement a de quoi rendre perplexe.
Un. Les boulons (constitués chacun par une vis et
par un écrou) ou parties de boulon visibles sur la photo sont trop
nombreux (quatre boulons fixaient l’éclisse fautive).
Deux.Si deux écrous bien brillants sont visibles,
au moins l’un des deux se retrouve du mauvais côté du rail. Aurait-il
été déplacé entre l’accident et la photo ?
Trois. Plus troublantes sont les pièces carrément
intruses. Dans le ballast à droite de la photo, à côté d’un boulon dont
la vis a été décapitée (ce qui est normal s’il a été arraché), on
distingue un boulon d’éclisse trop intact pour être concerné par
l’accident.
Quatre. Ce boulon se trouve à côté d’une attache
élastique Nabla qui n’a rien à faire au milieu de cet appareil de voie
et qui semble s’y trouver depuis pas mal de temps (pierre qui roule
n’amasse pas mousse…)
Cinq. Au cœur de la photo, juste sous l’éclisse
ayant pivoté, on dirait bien… une ou deux pièces métalliques
sérigraphiées en rouge et blanc. Que feraient des boîtes de Coca-Cola,
même écrasées, à cet endroit improbable, quasi inaccessible ?
Ces anomalies font-elles partie de celles décelées par les juges ?
Selon les informations publiées sur le site du Monde le 10 septembre,
les magistrats qui se sont déplacés sur les lieux de l’accident de
Brétigny, le 25 juillet, au lendemain de l’ouverture d’une information
judiciaire pour homicides et blessures volontaires, ont relevé « au minimum 40 anomalies » sur l’appareil de voie où l’éclisse serait venue basculer et provoquer le déraillement du train.
Selon les juges, ces constatations dites « d’urgence »
justifient d’élargir les faits sur lesquels ils ont été saisis à la «
mise en danger de la vie d’autrui ». Cette qualification permettrait,
précise Le Monde, « de s’interroger sur une possible faute
caractérisée commise sciemment par la SNCF ou Réseau ferré de France aux
dépens de la sécurité des usagers ».
Cependant le procureur de la République d’Evry, Eric Lallement, a
refusé de délivrer un réquisitoire supplétif en ce sens, indiquant aux
juges, le 19 août, que « la documentation paraît en l’état insuffisante ».
Contacté par les soins du quotidien, le parquet d’Evry a confirmé ces
informations, refusant de donner des précisions sur le type d’anomalies
constatées. Le procureur adjoint d’Evry, Rémi Crosson du Cormier, a
précisé au Monde « qu’il s’agissait d’anomalies techniques de degrés divers constatées de visu sur la traverse jonction double », mais pas suffisamment « évidentes » pour requalifier les faits. Le parquet général de Paris considère lui aussi que l’élargissement de l’enquête paraît « prématuré ».
Des analyses métallurgiques à venir pourraient permettre d’éclairer la
cause du basculement de l’éclisse. La SNCF avait procédé juste après
l’accident à une campagne de vérification des éclisses de 5 000
aiguillages similaires, qui avait conclu à l’absence de risque pour la
sécurité.
A l’occasion de leur déplacement sur les lieux, les magistrats ont
enfin eu, selon Le Monde, la surprise de constater que la principale
pièce à conviction, l’aiguillage, « ne présentait pas les garanties d’un scellé judiciaire ».
Celui-ci se trouvait en effet, conclut le journal, sous une bâche, à
proximité des habitations et d’une route, dans un endroit non sécurisé.
La SNCF a indiqué qu’elle ne souhaitait pas commenter la procédure en cours.