Le 25 mars à Paris, le quai n° 1 de la gare de l’Est était le théâtre d’une chorégraphie parfaitement réglée. Soignants, personnels du Samu, police nationale, secouristes, protection civile, cheminots de l’Escale, de la Suge et de Gares & Connexions… tous s’affairaient à préparer le départ d’un premier TGV médicalisé, un TGV Duplex, destiné à rejoindre Strasbourg. Christophe Lallot, numéro deux de la SUGE Ile-de-France Nord-Est, 46 ans, était chargé de coordonner le dispositif sûreté mis en place pour cette opération inédite. Voici son témoignage.
« Le 25 mars, nous sommes arrivés à 11 heures du matin, nous avons rejoint le quai n° 1 où le TGV était stationné depuis la veille au soir sous la surveillance de la Suge. Notre mission consistait à sécuriser l’installation à bord des équipes soignantes – une cinquantaine de personnes – et le chargement du matériel médical, très volumineux, dans le TGV Duplex qui devait partir à 17 heures pour Strasbourg. Je crois que 200 cheminots, tous métiers confondus, s’étaient portés volontaires pour cette opération.
200 bouteilles d’oxygène
Le périmètre avait été sécurisé au préalable par mes équipes, en coopération avec les forces de police. Il fallait éliminer tout risque d’intrusion sur la zone et rendre le lieu le plus « stérile » possible afin que les soignants mobilisés puissent travailler sereinement : rue d’Alsace neutralisée (pour laisser le champ libre aux ambulances), zone du quai sécurisée pour avoir zéro badaud, zéro journaliste présent, à l’exception d’un caméraman autorisé à filmer l’opération (vidéo en ligne sur notre site ici). Les équipes médicales formaient une véritable armée. Le PC était installé dans la voiture-bar du train. A l’heure dite, tout s’est parfaitement coordonné, chacun savait ce qu’il avait à faire, les différentes étapes, le timing à respecter… Aucune anicroche, aucune hésitation… C’était comme une armée qui montait au front, dans un contexte de « médecine de guerre » il est vrai. J’ai été impressionné par le volume de matériel médical à embarquer : de très nombreux respirateurs et malles, des civières, des brancards et au moins 200 bouteilles d’oxygène. Avec les agents, nous avons aidé à les transporter et à les charger à bord. Des agents de la police nationale l’ont fait, eux aussi, car il manquait quelques chariots de manutention. Tout le monde se sentait concerné, tout le monde s’impliquait. Et je peux vous dire qu’une bouteille d’oxygène, non seulement ça pèse son poids, mais en plus, ce doit être manipulé avec précaution…
Avec le train, des capacités en plus, des contraintes en moins
Pour ce type de transport sanitaire, les avantages du train par rapport à un hélicoptère, un avion ou une ambulance sont évidents : une grande capacité d’accueil aussi bien pour les passagers que pour le matériel, avec un confort garanti. Aucun risque d’embouteillages ni de secousses ou d’à-coups pendant le trajet… Bref, des capacités en plus, des contraintes en moins : c’est ce qu’on peut faire de mieux. Le train est parti à l’heure : le premier tour de roues a eu lieu à 17 h 05 comme prévu. Ce type d’opération sera certainement renouvelée et les cheminots sont prêts à recommencer. Après le départ du train, pendant le debrief avec mes équipes, je sentais que tous étaient fiers d’avoir contribué à la réussite de cette opération inédite… Comme me l’a dit ma fille de 13 ans le soir même : « Dans vingt ans, vous serez dans les livres d’histoire ! » Peut-être, qui sait… »