La compagnie de transport tchèque RegioJet organise un pont ferroviaire entre Prague et Przemysl. La gare de cette petite ville polonaise proche de la frontière avec l’Ukraine est devenue une étape clé pour les réfugiés fuyant la guerre.
Mercredi 9 mars, 20 h 27 exactement. Le train humanitaire n° 90051 de la compagnie RegioJet quitte le quai n° 4 de la gare centrale de Prague. A son bord, encore peu de passagers. Quelques volontaires et quelques Ukrainiens expatriés qui ont décidé de rejoindre l’Ukraine pour participer à l’effort de guerre. Le terminus de ce train est Przemysl, au sud-est de la Pologne à moins de 30 km du poste frontière de Medyka. De nombreux réfugiés passent par là, fuyant l’agression de l’armée russe, et tentant de trouver comment poursuivre leur route.
Certains embarqueront dans ce même train. Lancé le 1er mars dernier, une semaine seulement après le début de l’offensive russe, ce pont ferroviaire entre la frontière ukraino-polonaise et Prague a déjà permis à des milliers d’Ukrainiens de fuir la guerre. Tous les jours, deux rames sont affrétées avec une capacité allant jusqu’à 600 réfugiés par train.
Cette mobilisation a un coût : 16 000 euros par jour. Et, pour l’instant, le programme, mené à bien par RegioJet, un opérateur privé tchèque filiale de Student Agency, en partenariat avec les chemins de fer ukrainiens Ukrzaliznytsia (UZ), l’organisation caritative tchèque Clovek v tisni (« personnes dans le besoin » en tchèque) ainsi que les entreprises de fret ferroviaire ČD Cargo et Rail Cargo Group. Ces circulations ne bénéficient d’aucune subvention, mais l’opérateur tchèque peut néanmoins compter sur la mobilisation de ses employés, certains d’entre eux en tant que bénévoles.
C’est notamment le cas de Jakub. Il s’est porté volontaire pour effectuer ce voyage pas comme les autres. Depuis le début de ces circulations spéciales, c’est le deuxième train qu’il accompagne. Dès le début de l’offensive russe, le jeune homme a eu envie d’agir. « Je n’arrive pas à imaginer devoir quitter mon foyer, de mettre toute ma vie dans une petite valise. Quand j’ai vu ce qu’il se passait en Ukraine et comment les habitants étaient obligés de fuir, j’ai su que je voulais agir. J’aime aider les gens. C’était logique pour moi de prêter main-forte aux réfugiés. »
L’exode des réfugiés ukrainiens
Arrivée en bus de Medyka, Ludmilla vient de Jytomyr, une ville entre Kiev et Lviv. Elle a fait le voyage avec sa mère et son fils de 11 ans. Son mari, sapeur-pompier, est resté en Ukraine : « Nous avons pris un train jusqu’à Lviv. Pendant une vingtaine d’heures, sans aucune lumière la nuit. Contrairement à beaucoup de passagers, nous avions la chance de pouvoir nous asseoir. Mais le trajet était interminable. Maintenant, nous voulons partir en Allemagne. Ma soeur habite près de Francfort. »
A peine sortie de la gare, elle s’engouffre dans un van à destination du « Tesco ». Un supermarché à quelques kilomètres de la gare dont le parking a été transformé en gare routière. De nombreux convois y sont organisés à destination d’une multitude de villes. L’ONG Singa y a ainsi affrété plusieurs bus à destination de la France, notamment à destination de Besançon, une ville qui s’est mobilisée pour accueillir les réfugiés ukrainiens. Alice Barbe, présidente de Singa et cofondatrice du collectif Corridor citoyen, créé le jour de l’invasion de l’Ukraine était sur place pour coordonner les départs vers la France.