Quel avenir pour le fret ferroviaire en France ? L’activité décline depuis plus de 20 ans : le tonnage transporté sur le rail a baissé de 20 % entre 2008 et 2014. Il s’est alors stabilisé autour de 32 milliards de tonnes-km. La part de marché a reculé, passant de 18 % en 2003 à moins de 10 % en 2016. Si certaines causes sont structurelles (avec la désindustrialisation du pays), d’autres sont conjoncturelles (comme la crise de 2008 ou les difficultés de circulation sur un réseau soumis à d’importants travaux). Autre bouleversement, l’opérateur historique a été soumis à la concurrence à partir de 2006. Les nouveaux opérateurs, dont les plus importants sont Euro Cargo Rail (groupe DB Schenker Rail), VFLI (groupe SNCF Mobilités), Europorte France (groupe Getlink) et Colas Rail, représentent aujourd’hui 40 % des volumes transportés. Mais ils connaissent des difficultés, affichant des pertes de près de 300 millions d’euros en 2014. Euro Cargo Rail, qui enregistre des pertes depuis son entrée sur le marché, a engagé un plan social visant à supprimer 25 % de ses effectifs. En face, Fret SNCF lourdement déficitaire cherche aussi à sortir la tête de l’eau. Dans son rapport sur un nouveau modèle ferroviaire, Jean-Cyril Spinetta estime que la situation du fret ferroviaire réclame « des mesures spécifiques, compte tenu de la fragilité des entreprises ferroviaires en général, et de Fret SNCF en particulier, malgré la difficile restructuration menée depuis 2010 ». Le point sur les solutions envisagées pour Fret SNCF et celles préconisées pour faciliter les acheminements sur le réseau capillaire.
Fret SNCF. La filialisation au bout du chemin
Quelles perspectives pour Fret SNCF lourdement déficitaire ? Cet automne, les organisations syndicales avaient tiré le signal d’alarme évoquant une possible filialisation de l’activité. Mais la direction de la SNCF avait démenti. L’hypothèse devient pourtant de plus en plus crédible. Dans son rapport, Jean-Cyril Spinetta recommande d’en passer par une filialisation après recapitalisation de l’entreprise. Avant même cette prise de position, le 25 janvier, Les Échos affirmaient que la filialisation semblait « inéluctable ». Le Premier ministre ne l’a cependant pas mentionné. La situation est en effet difficilement tenable alors que l’Arafer impose désormais de tenir des comptes séparés par activité pour éviter les subventions croisées ou les distorsions de concurrence. Or, l’activité de Fret, déficitaire depuis des années, est aussi handicapée par une lourde dette passée en 10 ans de 1,8 à 4 milliards d’euros. Ce qui représente la moitié de SNCF Mobilités s’élevant au total à 7,9 milliards. Pour repartir sur de nouvelles bases, Fret SNCF prépare un business plan qui doit être présenté au gouvernement, nous a expliqué Sylvie Charles, la directrice générale de SNCF Logistics. Si les pouvoirs publics décident d’une recapitalisation (évaluée à 3,5 milliards d’euros par Les Échos), il est fort probable que Bruxelles impose une filialisation. « Pour la première fois, Sylvie Charles ne met plus sous le tapis la question de la dette et des intérêts de la dette », commente Thierry Nardy, le président de la commission économique du comité d’établissement de Fret SNCF, en rappelant que l’entreprise a perdu 120 millions d’euros l’année dernière et verse chaque année 200 millions d’intérêt aux banques. Selon lui, « le chemin était déjà tout tracé ». Et de rappeler la recapitalisation déjà acceptée par Bruxelles en 2005. À l’époque, le feu vert européen à un versement de l’État en plusieurs tranches de 800 millions d’euros (auquel s’ajoutait un apport de 700 millions de la SNCF) avait été conditionné à une ouverture accélérée de la concurrence pour le fret ferroviaire et à une interdiction à toute nouvelle aide pendant 10 ans… Malgré cette restructuration, puis une succession de plans de « la dernière chance », l’activité n’a jamais pu être redressée. Au contraire. Selon Thierry Nardy, « le trafic fret est passé de 60 milliards de tonnes-km en 2006 à 33 milliards 10 ans plus tard.