Après la gare de Bordeaux Saint-Jean avec son Arbalet Saint Jean, un mur de Pixel Art (La Vie du rail n° 3657 du vendredi 5 janvier), c’est au tour de la galerie des fresques de Paris Gare de Lyon d’accueillir une oeuvre d’art génératif. Baptisée Semi-senseless Drawing Modules, cette création est réalisée par une vingtaine de « robots dessinateurs » qui exécutent jusqu’à la fin du mois de février des formes déterminées par des programmes établis par les deux artistes Japonais SoKanno et yang02.
Installée dans la gare par SNCF Gares & Connexions à l’occasion de Némo, la biennale internationale des arts numériques de Paris et de l’Île-de-France, elle est également présentée depuis le 9 décembre dans une deuxième version au Cent Quatre Paris à l’occasion de l’exposition Les Faits du hasard.
À Paris-Lyon, c‘est donc un espace de 30 mètres de long où se crée sous l’oeil des passagers et des passants une oeuvre complètement originale, bien que celle-ci ait déjà été installée dans d’autres lieux de la planète, notamment dans le métro de Sapporo ou dans le Musée des arts de Chigasaki. En France, elle a été présentée en septembre à Nantes à l’occasion de Stereolux, un évènement qui mêle création musicale et numérique. À chaque fois, c’est l’interaction entre l’oeuvre, son lieu d’exposition et le public qui détermine le résultat final. Celui-ci apparaît progressivement, au jour le jour, selon les trajectoires et la vitesse des modules robotisés qui dessinent en temps réel. Munis de capteurs, qui leur envoient des données basées sur les passages des voyageurs et des badauds, mais aussi sur l’évolution de la température ou de l’humidité dans la gare, ils sont suspendus à un rail qui leur permet de se déplacer horizontalement, tandis que les stylos fixés à d’autres modules se déplacent verticalement. Lorsque les chariots sur le rail entrent en collision les uns avec les autres, ils changent de direction. Au fur et à mesure de grands dessins abstraits apparaissent. Ils interagissent entre eux et avec leur environnement. L’idée des deux artistes est d’imiter le processus de création d’un peintre abstrait soumis à un environnement qui affecte son esprit et la qualité de son travail.
SoKanno et yang02 sont habitués à naviguer entre les frontières de la peinture, de l’informatique et de la robotique. Ils confrontent régulièrement dans l’espace public leurs créations avec des environnements différents, explorant sans répit de nouvelles formes esthétiques et techniques. Ils interrogent la relation entre l’homme et la machine, mais également la notion même d’art. Les robots prennent le pouvoir partout, dans l’industrie, les services à la personne, la science, aux jeu d’échecs et de go… mais l’art semblait pouvoir résister, être le dernier bastion réservé à la seule l’humanité. L’art n’est-il pas le propre de l’homme ? l’espace où il exprime sa sensibilité et toute sa singularité ? Apparemment, non. Le processus mystérieux de la création ne lui est plus réservé, la machine peut également offrir cette part de magie. À la condition d’être programmée par l’homme. Du moins, pour le moment.
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