(Le dossier parle ensuite surtout des 9 propositions du rapport Spinetta.)
Qu’il s’agisse du déficit, de la dette ou du statut de l’entreprise, les cheminots, ne veulent pas être montrés du doigt. Pour eux, les vrais responsables des difficultés de la SNCF sont à chercher ailleurs. Par exemple dans la classe politique ou parmi les gouvernements qui ont exercé leur tutelle sur le groupe ferroviaire.
Comme souvent ces dernières années à la SNCF, c’est le terrain qui pousse. Les syndicats les plus modérés en conviennent. La tendance à la base est à l’affrontement sans qu’il soit possible aujourd’hui de dire s’il existe un consensus majoritaire pour un conflit long.
Les cheminots sont furieux d’une part de ce qu’ils nomment le SNCF bashing dans les médias et d’autre part du fait qu’ils ont le sentiment que la classe politique et le gouvernement veulent leur faire « porter le chapeau » d’une situation qu’ils sont les premiers à subir.
« Nous ne sommes pas responsables des déficits », entend-on sur le terrain, « la SNCF a toujours fait ce que le pouvoir lui demandait ». Et le terme « pouvoir » inclut l’ensemble de la classe politique dont les interventions, les diktats, voire les caprices font de l’établissement ferroviaire une entreprise impossible à gérer.
Et de rappeler en vrac les commandes de TGV imposées à l’établissement ferroviaire, TGV dont il n’avait alors nul besoin. (Il s’agissait, sur demande expresse de l’État, de soutenir l’industrie ferroviaire nationale en général, et le constructeur Alstom en particulier.) Ou encore les lignes à grande vitesse construites sans aucun espoir de retour sur investissement, les dessertes maintenues pour ne pas fâcher les élus locaux, certaine gare nouvelle sortie de terre juste pour satisfaire ou ne pas risquer de mécontenter des élus locaux, alors qu’il était clair que la fréquentation attendue pour un tel arrêt ne permettrait pas de le rentabiliser.
« Quand vous pensez, sourit ce cadre, qu’on est même allé jusqu’à déclarer d’utilité publique une ligne à grande vitesse entre Poitiers et Limoges que voulait François Hollande ! Et ce malgré l’opposition franche de la Cour des comptes, DUP que le Conseil d’État a cassé… »
« Est-ce la faute des cheminots si les gouvernements successifs ont fait le choix du tout-TGV au lieu des trains du quotidien », résume Fabien Villedieu, de SUD Rail ?
Les mauvaises habitudes du pouvoir vis-à-vis de la SNCF ne datent pas d’hier. Les nouvelles générations ignorent par exemple que l’arrêt du TGV Paris – Lausanne dans le Jura – arrêt officiellement créé pour permettre aux douaniers de monter à bord – avait reçu le nom de code d’« arrêt technique Edgar-Faure » parce que le président de la SNCF de l’époque, André Chadeau, son ex-directeur de cabinet, n’avait pu refuser à son ancien patron une petite halte à quelques kilomètres de sa mairie de Port-Lesney.
Les cheminots collectionnent les anecdotes du même genre. Telle ancienne ministre qui prend la place dûment réservée d’une mamie au seul motif que tout lui est dû, telles personnalités du monde politique qui trouvent refuge, à titre certes non définitif mais tout à fait lucratif, dans les plus hautes sphères du groupe… tel conseiller régional qui remonte à l’Élysée parce qu’on a supprimé un arrêt auquel personne ne montait ni ne descendait jamais.