Philippe Hérissé était à bord des deux rames qui, à 17 ans d’intervalle, ont battu les records du monde. Il se souvient et compare.
Le 18 mai 1990 La rame 325 atteint les 515,3km/h
Deux records, deux époques. Et surtout, deux ambiances très différentes ! Le 18 mai 1990, la rame 325 atteint les 515,3 km/h sur la LGV Atlantique. Après une longue décélération, elle vient s’immobiliser en pleine voie et en rase campagne, avant le tunnel marquant la limite sud du domaine d’essai. Équipe de conduite, ingénieurs et techniciens descendent sur le ballast. Étrange instant de quiétude intérieure où chacun reste encore partagé entre l’indicible émerveillement face à ce qu’il vient de vivre, la concentration effrénée qui emplissait les minutes précédentes, lors de cette ultime montée en vitesse, et la douceur tout à coup retrouvée d’une matinée ordinaire de printemps ensoleillée. Au pied de la rame, le directeur général adjoint de l’époque va de l’un à l’autre, remplissant pour chacun le certificat qui attestera qu’il a effectivement roulé à 515,3. Champagne pour tout le monde ! Mais servi dans des gobelets en plastique. Au record de mars 1955 (331 km/h), les actualités cinématographiques de l’époque avaient surpris les héros du jour en pantoufles. La SNCF a toujours eu le triomphe modeste. D’ailleurs, l’important n’est pas dans l’apparence. Ce record de mai 1990, il a vraiment fallu aller le chercher avec une fantastique opiniâtreté. Et les interrogations étaient multiples. L’électronique de puissance allait- elle tenir ? Le comportement dynamique serait-il satisfaisant sur les aiguilles prises à des vitesses encore jamais pratiquées ? Le captage ne poserait- il pas problème ? Toute la puissance embarquée allait être sollicitée pour atteindre les 515,3. On était aux limites. Mais un record ferroviaire ne se joue pas en quelques galops préparatoires. C’est d’abord l’aboutissement d’une longue campagne où, jour après jour, semaine après semaine, les marches d’essai succèdent aux marches d’essai. Tout était affaire de réglages. Entre deux marches, François Lacôte, alors directeur du Matériel à la SNCF et grand maître des opérations, n’hésitait pas à enfiler une combinaison, et à monter sur la toiture de la motrice, en compagnie des techniciens, pour examiner le pantographe. Difficile de ne pas prendre goût à cette exaltante régularité dans la performance. Aussi, quand la journée s’annonçait prometteuse, c’est d’un pas décidé qu’aux petites heures de la matinée votre serviteur prenait le chemin de Châtillon et de son technicentre-TGV encore à demi-endormi dans la nuit. À quelle vitesse roulerions-nous aujourd’hui ? Le temps de saluer l’équipe des essais, toujours d’humeur égale et fort sympathique, qui vaquait aux tout derniers préparatifs, le temps que la rame sorte lentement de l’atelier, le temps de son acheminement sur le domaine, puis commençait la longue litanie des échanges de dépêches à la radio, juste avant de s’élancer. Procédures de sécurité méthodiques entre notre rame, celle qui assurait le balayage et les multiples acteurs au sol. Là, généralement, entrait en scène la biche, qu’un garde-chasse venait tout juste d’apercevoir gambadant dans les emprises, et à laquelle il conve