Aujourd’hui de nombreux cheminots exposés à l’amiante vivent sous surveillance médicale. Des agents ayant travaillé dans les lieux à risque veulent faire reconnaître le préjudice d’anxiété devant la justice. Une décision est attendue prochainement.
On estime de source syndicale que depuis une quinzaine d’années 30 à 50 cheminots, en activité ou en retraite, meurent chaque année d’un des cancers imputables à l’exposition à l’amiante. Les autres agents, qui au cours de leur carrière ont été exposés à cette matière dangereuse, sont nombreux à redouter d’en développer un. C’est ce « préjudice d’anxiété » que veulent aujourd’hui faire reconnaître par la justice 147 d’entre eux. Le 21 juin, le Conseil des prud’hommes de Paris a examiné leur recours en départage, les magistrats de la rue Étienne-Marcel se jugeant incompétents pour trancher faisant en pareil cas appel à un juge professionnel. Quelques dizaines d’entre eux étaient présents à l’audience.
Plusieurs autres actions de groupe pour faire reconnaître ce préjudice d’anxiété ont été engagées. Les plaignants d’aujourd’hui réclament 12 000 euros de dommages et intérêts chacun. En octobre 2014, l’entreprise a déjà été condamnée à ce titre. Il s’agissait du cas de huit salariés de sous-traitants intervenant au Mans. Dans une autre affaire à Bordeaux la SNCF a en revanche obtenu en 2017 une annulation de sa condamnation.
Maître Xavier Robin s’élève aujourd’hui contre un arrêt de la Cour de cassation qui, a limité le champ d’application du préjudice d’anxiété à une liste d’entreprises « classées amiante ». Une liste dont la SNCF est exclue. « Comme si l’amiante était moins dangereux dans certaines activités que dans d’autres », pointe le syndicat SUD-Rail. Si la défense invoque la jurisprudence, dans le cas de ces cheminots maître Robin a plaidé aussi la « rupture d’égalité » avec les droits français et européen.
Parmi les plus exposés à la SNCF : des agents qui travaillaient entre 1970 et 2000 au service SES et notamment, dans les guérites électriques qui contenaient de l’amiante mais aussi des agents des ateliers de maintenance intervenant sur certains matériels roulants de séries anciennes ou des conducteurs de train. « Il y avait de l’amiante dans les semelles et les garnitures de freins, ou les cabines. Même si, rappelle un cheminot, en fait autrefois l’amiante était partout à la SNCF pour l’isolation acoustique et thermique. Les premières mesures de précaution, précise-t-il, d’ailleurs très partielles, remontent au mieux à 1999. » De fait, en 1996, pour suivre la législation française, la SNCF avait entrepris un inventaire interne complet.
Des cheminots qui ont été exposés ont parfois pu prétendre depuis 2003 à des départs en retraite anticipés. En tout quelque 13 500 sont actuellement médicalement suivis, passant notamment des scanners réguliers. Un chiffre important qui pour l’entreprise « témoigne de la prise en compte précoce de cette problématique ».
L’amiante peut être responsable de l’apparition à retardement, parfois des dizaines d’années après l’exposition, de pathologies plus ou moins graves : asbestoses respiratoires chroniques, mésothéliomes, cancers de la plèvre et d’autres cancers… La décision des magistrats devrait être connue le 11 juillet prochain.