fbpx

Je me connecte

E-mail*
Mot de passe*
Je valide > Mot de passe oublié?

Je m'inscris

*Champs obligatoires

Conformément à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée en 2004, vous bénéficiez d’un droit d’accès et de rectification aux informations qui vous concernent.
1. Mon Compte
2. Mes activités
3. Mes Newsletters

Vous devez lire et accepter nos conditions générales de vente et d’utilisation *

* Mentions obligatoires

Je souhaite recevoir la newsletter :

Je m'enregistre

Mot de passe oublié ?

X
laviedurail.com
  • (c) Madeline WHITEHEAD

    Colson Whitehead, l'auteur.

Roman. Underground Railroad : racisme partout, justice nulle part

30 août 2017
- -
Par : Samuel Delziani

Underground Railroad est de ces romans qui, lorsque vous en avez achevé la lecture, vous transforment, vous laissant profondément marqué par la force d’évocation, comme celle du propos de son auteur. Colson Whitehead, écrivain new-yorkais né à la fin des années 60, auteur de plusieurs romans accomplis (comme Le Colosse de New York, Zone 1, Apex ou L’Intuitionniste tous publiés chez Gallimard) a probablement livré ici son livre le plus important. Trois générations de femmes. La grand-mère Ajarry, arrachée au continent africain et réduite en esclavage dans le sud des États-Unis, la mère Mabel, qui est parvenue à s’échapper de la plantation des Randall, système concentrationnaire et agricole, dans le coeur de la Georgie, mais en laissant sur place sa fille Cora. Alors âgée de 11 ans, celle-ci a hérité de ses deux aïeuls une détermination et une soif de liberté sans limite. C’est elle dont nous suivons la fuite – la jeune esclave a alors 16 ans, à travers le réseau de l’Underground Railroad, le Chemin de fer clandestin (voir texte en bas de l’article*), qui se matérialise dans le roman par un vrai chemin de fer souterrain. L’auteur transporte ainsi cette histoire aux accents si réels dans un élan fantastique rococo qui l’élève au rang d’objet littéraire unique.

« L’escalier conduisait à un quai étroit. Les deux extrémités de l’énorme tunnel béaient comme des bouches noires. Il devait faire six mètres de haut, et ses parois étaient couvertes de pierres colorées, alternant des motifs clairs et sombres. Quelle énergie avait-il fallu pour rendre un tel projet possible. Cora et Caesar remarquèrent les rails. Deux rails d’acier qui parcouraient le tunnel à perte de vue, rivés à la terre par des traverses de bois. Les rails filaient vers le sud et vers le nord, présumaient-ils : ils surgissaient d’une source inconcevable et coulaient vers un terminus miraculeux. » C’est le train de tous les espoirs qui emprunte ces rails, au bout du tunnel, c’est la liberté, promesse de lumière. C’est également l’occasion de voir les États-Unis dans toute sa cruelle réalité, comme l’affirme du chef de gare Lumbly : « Si vous voulez voir ce qu’est vraiment ce pays, comme je dis toujours, y a rien de tel qu’un voyage en train. Regardez au-dehors quand vous filerez à toute allure, vous verrez le vrai visage de l’Amérique. »

Dans chaque État, le racisme et la ségrégation prennent des visages différents, même si une figure domine dans la mise en oeuvre de l’injustice. Lancé à ses trousses, Ridgway implacable et célèbre chasseur d’esclave, secondé d’une bande de gros bras, justifie sa principale occupation par un dessein plus grand : « Tel était (…) le fil divin qui reliait toute entreprise humaine : si vous arrivez à garder quelque chose, c’est que cette chose vous appartient. C’est votre bien : votre esclave, votre continent. L’impératif américain » Au nom de cet impératif, l’Amérique blanche et bien pensante a accompli les pires exactions, des guerres de nettoyages ethniques des multiples peuples amérindiens à la mise en place d’une économie esclavagiste de grande ampleur, en passant par l’accaparement des ressources et l’empoisonnement des milieux naturels. La violence terrible déployée par les tenants du système esclavagiste est décrite ici dans toute son effroyable cruauté. Torture physique des coups de fouets, des membres entravés, du piment frotté sur des plaies à vif, mais aussi torture psychologique de la séparation des époux fraîchement mariés, la revente des enfants récemment nés, etc.

Dans cette nuit sans fin, quelques rares, mais intenses lumières, des moments de bonheur salvateurs comme ce pique-nique dans une prairie, cette communauté libre et industrieuse, ces rares moments de tendresse… Mais toujours, les chiens de garde des maîtres montrent les crocs, quand ce ne sont pas les scarifications à l’âme de l’esclave qui ressurgissent, sans préavis, chaînes et boulets invisibles, dont l’émancipation est un lent et douloureux processus.

La dialectique du maître et de l’esclave traverse le roman, prenant une multitude de formes de la plus évidente à la plus inattendue, mais qui, comme chez le philosophe allemand Hegel, donne à l’esclave la faculté de transformation du monde qui échappe au maître qui ne fait qu’en jouir. Le roman a eu un retentissement immense aux États-Unis, remportant notamment en avril dernier le Prix Pulitzer 2017 dans la catégorie fiction, la plus prestigieuse des récompenses pour un romancier anglophone. Colson Whitehead dresse l’implacable généalogie du racisme aux États-Unis, en particulier celui érigé en système dans le sud agricole et qui perdurera bien longtemps après l’abolition de l’esclavage, avec la ségrégation dans l’espace public. Un « apartheid » qui ne s’achèvera que dans les années 1960 avec le combat pour les droits civiques. Aujourd’hui encore, les noirs aux États-Unis subissent plus qu’aucun autre Américain toutes sortes de discriminations. Du point de vue français, il interroge également sur notre propre passé esclavagiste et surtout sur toutes ces richesses accumulées de Nantes à La Rochelle en passant par Paris et Bordeaux grâce au commerce triangulaire, une traite négrière aussi immorale que lucrative.

Underground Railroad de Colson Whitehead.

Traduit de l’Américain par Serge Chauvin.

Albin Michel. Prix : 22,90 euros.

 

Cliquez sur la couverture, vous arriverez sur le site de l’éditeur Albin Michel et vous pourrez acheter ce livre :

underground

 

 

 

*Le Chemin de fer clandestin, un réseau complexe vers la liberté

Ce réseau aux multiples ramifications permettait aux esclaves des plantations du sud des États-Unis de fuir en quête d’un avenir meilleur et fut particulièrement actif et performant entre 1850 et 1860, même si le réseau tel qu’il est décrit dans le livre de Colson Whitehead est né au début du XIXe siècle. L’idée est de passer la ligne Mason – Dixon qui délimite les États anti-abolitionniste au Nord aux États esclavagistes au Sud, afin de trouver la liberté dans les États du Nord ou au Canada. Certaines routes conduisaient également au Mexique. Le Chemin de fer clandestin ne connaissait ni rails, ni gares, ni trains, mais il doit son nom à l’usage de la terminologie ferroviaire dans le code qui permettait de se retrouver dans ce réseau complexe de caches, de complices, de routes. Ainsi, les caches étaient des « stations » ou des « dépôts », les « chefs de train » étaient les passeurs chargés de convoyer les esclaves en fuite de caches en caches. Les propriétaires de ces lieux de repos étaient des « Chefs de gare », tandis que les esclaves en fuite étaient des « passagers » qui devaient obtenir un « ticket » pour effectuer ce long voyage. Les bienfaiteurs qui faisaient des dons au réseau étaient, quant à eux, appelés les « actionnaires ». Une terminologie qui démontre l’importante organisation du réseau. Certaines estimations chiffrent entre 30 000 et 100 000 le nombre d’esclaves qui ont bénéficié du réseau pour trouver la liberté et une vie meilleure dans le nord des États-Unis et au Canada. Une goutte d’eau dans l’océan de drames qui noyait le sud agricole des États-Unis. Mais comme on peut le lire dans le Talmud et dans le Coran : celui qui sauve une seule vie, sauve l’humanité entière.



Sur le même sujet

Commenter l'article

NOS NEWSLETTERS

  • La lettre du cheminot

    Chaque semaine, recevez les infos les plus populaires dans le monde des cheminots actifs

  • La lettre du groupe

    La Vie du Rail vous informe de ses nouveautés, la sortie de ses magazines, livres, événements ...

  • La News Rail Passion

    Recevez toutes les actus du magazine, les dossiers spéciaux, les vidéos, le magazine dès sa parution

  • La Boutique

    Nouveautés, offres exclusives, faites partie du club privilégiers des clients de la boutique de la Vie du Rail

  • Photorail

    Recevez une fois par mois nos actualités (nouvelles photographies ou affiches touristiques rajoutées sur le site) et nos offres ponctuelles (promotions…)

EN SAVOIR PLUS