La bonne idée du Forum Vies Mobiles, un institut autonome de recherche et d’échanges sur les mobilités crée en 2011 par la SNCF, est d’associer dans son Artistic Lab, sa galerie d’art virtuelle, l’oeil de l’artiste, en l’occurence ici le photographe et reporter indien Ishan Tankha, à celui des sciences sociales représentées ici par l’anthropologue Rahul Srivastava et l’économiste Matias Echanove. Le résultat ? Une immersion dans cette région de l’ouest de l’Inde qui s’étend au sud de Mumbai et une série de photos baptisée Vies circulatoires en Inde occidentale. Basé à New Delhi, le photographe a vu son travail publié dans des journaux et des magazines de premier plan, comme le South China Morning Post, Le Monde, India Today, The Guardian ou encore Le Soir. Cette fois-ci, il a donc mis son talent au service du Think Thank de la SNCF pour illustrer le lien entre la ville et sa périphérie, entre la ville et le village, remettant en question un certain nombre de lieux communs sur cette relation, notamment sur la fatalité de l’exode rural.
Ce voyage ferroviaire part de Mumbai, anciennement Bombay, mégalopole infinie, où la plus grande richesse, côtoie la plus absolue pauvreté et nous emmène le long de la côte vers le sud jusqu’à Mangalore en passant par Roha, Chiplun, le village de Kondhe, et Goa. Nous suivons notamment dans cette exposition virtuelle, la famille Khules qui rejoint le reste de leur famille dans le petit village de Kondhe.
Le chemin de fer occupe une place centrale dans la vie des Indiens, ceux qui habitent dans les mégalopoles sans début, comme ceux qui habitent les bourgades et les régions les plus isolées. C’est également le lieu de toutes les rencontres. À l’occasion de ce trajet, nous croisons ainsi Karam Bele, un ancien employé de la Bank of India fraîchement retraité, qui voyage entre Mumbaï et Roha, pour rendre visite à son fils. Dans le même compartiment, le hasard a placé le jeune Vijit qui vient d’être recruté par la même institution et qui part prendre son poste à Chiplun ou encore Avinash Tripathi, consultant en immobilier, qui se rend près de Vapi, à une heure de Chiplun, à la recherche de terrains à acquérir. Autre personnage étonnant, Vijay Sutar, un sculpteur qui fabriquent des idoles religieuses, croisées avec une statue de Ganesh (dieu du panthéon hindou facilement reconnaissable à sa tête d’éléphant) et qui grâce au chemin de fer a pu considérablement agrandir sa clientèle. Pour Sunny Agarwal et Sukhveer, le train n’est pas un moyen de transport mais un lieu de travail qui leur permet de vendre des bijoux fantaisie et des bibelots aux passagers et ainsi assurer leur subsistance. Pour cela, ils ont fait la route depuis l’Uttar Pradesh, dans la partie la plus septentrionale du pays, à la frontière avec le Népal. Autant de destins qui s’écrivent à travers le rail. Héritage du Raj Britannique, le réseau indien étend son influence dans pratiquement tout le pays. Un pays continent, aux mille visages, aux mille langues, aux mille dieux, où le chemin de fer fait office de trait d’union. Trait d’union entre les gens, entre les espaces, notamment entre la ville géante qui dévore tout et le village, perçu comme un refuge où s’exprime toute la profondeur culturelle des êtres.
Saisie par le photographe, dans cette belle lumière chaude, à travers portraits, scènes de groupe ou paysages, cette aventure ferroviaire offre un voyage aussi exotique qu’instructif au coeur d’une certaine modernité indienne bien loin des clichés éculés qui lui sont souvent abusivement attribués.
Vies circulatoires en Inde occidentale. Ishan Tankha (Photographie), Rahul Srivastava et Matias Echanove
À voir sur : http://artisticlab.forumviesmobiles. org/fr/visit/26